Glyphosate : première étape vers une ré- homologation européenne ?

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Tandis que l’UE doit décider en décembre 2022 si elle renouvelle l’homologation du glyphosate, quatre agences sanitaires européennes ont rendu la semaine dernière une expertise fouillée à l’agence sanitaire européenne, l’EFSA, après avoir étudié tous les éléments de preuve disponibles, c’est-à-dire l’ensemble de la littérature scientifique produite à la fois par la recherche publique et par les entreprises. Les conclusions du groupe d’évaluation pour le glyphosate (AGG) sont nettes, et confirment celles des autres agences sanitaires dans le monde : le produit n’est ni cancérogène, ni mutagène, ni reprotoxique. Dans les conditions d’utilisation normales, il ne présente aucun risque pour la santé. De quoi contrarier certains écologistes français qui dénoncent depuis des années le glyphosate, sans jamais s’appuyer sur des bases scientifiques :

Idem pour les ONG et autres lobbies déguisés en lanceurs d’alertes. Ainsi, Générations Futures dénonce un « scandale » et cite (comme à chaque fois) le Centre international de recherche sur le Cancer (CIRC) qui a classé le glyphosate comme un cancérogène probable pour l’homme (une conviction qu’aucune autre institution scientifique mondiale ne partage et qui interroge). Au même titre que la viande rouge.

Le travail du CIRC est orienté :

Certes, « une instruction quasi exclusivement à charge pour identifier un danger n’est pas déraisonnable » mais « à condition de bien préciser l’objectif et les implications de la démarche, ce qui n’a été fait qu’a minima pour le glyphosate, permettant ainsi aux controverses de se développer. » Car « le Circ a écarté de nombreuses études, pour n’en retenir qu’une poignée ». La question est donc posée : « Celles-ci sont-elles pertinentes et fiables ? Ont-elles évaluées correctement ? » Comme l’écrit André Heitz, « ça se discute sinon se conteste », « les preuves retenues pour l’homme sont fort légères » tandis que « celles sur les animaux portent sur des doses extravagantes ».

Interrogé par Le Point, Gil Rivière-Wekstein, auteur de Glyphosate, L’impossible débat et rédacteur en chef d’Agriculture et Environnement, relativise l’avis du CIRC :

Le Circ, en effet, n’a accès qu’à la littérature scientifique accessible au public. Les pays, dont le rôle est d’autoriser ou non un produit, ont accès aux mêmes études, mais reçoivent en plus les études réglementaires que les entreprises ont l’obligation de conduire, et qui contiennent des données confidentielles. En réalité, le champ d’évaluation des agences d’homologation est beaucoup plus vaste et plus complet que celui du Circ. C’est normal : les avis du Circ n’ont pas de conséquences, alors que les agences sanitaires sont là pour protéger la santé des consommateurs et des citoyens, on attend d’elles une évaluation beaucoup plus complète. J’ajoute que le Circ n’a pas pu prouver que le glyphosate était cancérigène : il a considéré que c’était « probable », quand l’ensemble des agences sanitaires ont jugé que ce n’était « pas probable ». On ne peut pas réellement parler de divergence d’avis.

Les 11 000 pages du rapport seront rendues publiques en septembre, et nourriront l’avis que remettra l’Efsa, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, aux politiques. C’est eux qui auront le dernier mot. Mais pour Gil Rivière-Wekstein interrogé par L’Opinion, « au niveau européen, on ne voit pas comment l’Efsa pourrait déjuger le travail de cinq agences nationales. D’autant que le profil “écotox” du produit, c’est-à-dire ses effets environnementaux, figure parmi les plus favorables de tous les phytosanitaires. Les Etats vont devoir faire un choix. Prendre une décision basée sur la science… ou sur l’opinion publique à qui on a inculqué une peur irrationnelle du produit. »

Idem en France où « il va falloir tirer des conséquences du rapport » commente la journaliste Emmanuelle Ducros (L’Opinion). En effet, « la sortie unilatérale du glyphosate, décidée par Emmanuel Macron, reposait sur des craintes sanitaires et sur le pari que nos voisins suivraient. Deux hypothèses qui ont du plomb dans l’aile et interrogent sur les distorsions de concurrence que la France s’est auto-infligée avec cette décision — dont la mise en œuvre se révèle de plus un casse-tête. Le Président peut-il désormais se permettre de persévérer au risque de jeter le discrédit sur l’agence sanitaire dont il a, par ailleurs, fait un allié dans la lutte contre la Covid ? »

La suite (et fin ?) de l’histoire se joue aussi aux États-Unis où de nombreux procès sont encore en cours sur fond de cancérogénéité du glyphosate. « Le glyphosate, herbicide le plus utilisé au monde, a été vu comme une poule aux œufs d’or par des cabinets d’avocats-vautours. Les récentes études européennes vont être versées au dossier par les défenseurs des compagnies incriminées. Cela pourrait bien inverser la donne dans les prochaines décisions de justice », commente Gil Rivière-Wekstein.

Laissons à cet internaute le mot de la fin :

De quoi clore le débat ? L’avenir nous le dira…

5 commentaires sur “Glyphosate : première étape vers une ré- homologation européenne ?

  1. Il y a deux imprécisions dans ce billet.

    1. Les agences d’évaluation nationales n’ont pas été « pilotées » par l’EFSA. Elles se sont appuyées sur les textes réglementaires.

    « Le Circ, en effet, n’a accès qu’à la littérature scientifique accessible au public… »? Il serait plus juste de dire que le CIRC refuse de prendre en compte la littérature réglementaire (sauf si elle devient « scientifique » (et encore…).

      1. « Le Circ, en effet, n’a accès qu’à la littérature scientifique accessible au public… »? Il serait plus juste de dire que le CIRC refuse de prendre en compte la littérature réglementaire (sauf si elle devient « scientifique » (et encore…).

        >>>> Je souhaiterais apporter à cette discussion les quelques précisions de « première main » suivantes obtenues au cours d’un peu plus de 3 décennies d’une carrière internationale aussi bien dans le domaine privé que réglementaire national et international.
        Il est exact, et c’est son choix que le CIRC ne prend en compte dans ses analyses que les « études scientifiques » publiées et non les « rapports » des études effectuées selon les normes internationales en vigueur telles que, essentiellement, dans le domaine de la toxicologie au sens large GLP (Good Laboratory Practices).
        Le CIRC se prive ainsi des études scientifiques de la plus haute qualité acceptées par toutes les agences réglementaires nationales et internationales les plus exigeantes.
        Ces études sont effectuées à grand frais (*) par les industriels soit dans le propres laboratoires soit sous-traitées sous contrat à des laboratoires spécialisés de très haute tenue (régulièrement inspectés par les agences réglementaires nationales, soit encore dans certains pays (Etats Unis , Japon, Australie, Royaume Uni, Pays Bas par exemple) dans des laboratoires d’Etat tenus à respecter les mêmes exigences internationales que les laboratoires privés industriels ou sous contrat.

        Cependant, ces études très onéreuses réalisées par les industriels que ne veut pas voir le CIRC ne sont pas pour autant ignorées par L’OMS !
        Il existe ainsi un organisme international connu sous le nom de IPCS (International Programme on Chemical Safety) qui est une « joint venture entre : l’UNEP (United Nations Environmental Programme), ILO (International Labour >Organisation) et World Health Organization (WHO).
        Cet organisme étudie sous l’égide de l’OMS (!) un grand nombre de produits chimiques de toutes catégories et publie des rapports (« monographies ») relatant leurs travaux sous la forme de petits ouvrages intitulés Environmental Health Criteria.. Plus de 230 ont été publiés à ce jour.

        Il s’avère que j’ai par un heureux hasard et entre autres sous les yeux la monographie Environmental Health Criteria n° 159 intitulée Glyphosate ! publiée en 1994 (177 pages).
        J’ai regardé la bibliographie (42 pages), les références n’étant pas numérotées.
        La chose intéressante là-dedans c’est la présence de 35 rapports d’études soumis
        à IPCS par devinez qui ? Monsanto ! De nombreux autres rapports ont été soumis (avec l’accord de Monsanto détenteur du brevet à l’époque) sur différentes études effectuées sur du glyphosate fourni par Monsanto par des laboratoires extérieurs à Monsanto.
        Il est donc faux de prétendre que Monsanto (comme tous les autres industriels) refusent de soumettre leurs études aux autorités. Ce que refusent les industriels (à juste titre) c’est de voir largement dévoiler à la concurrence des secrets industriels. Les autorités ayant accès à ces données sont tenues au respect du secret professionnel. Ce qui n’est pas le cas du public.

        (*) Je pense pas que les contribuables des différents pays concernés seraient prêts à faire effectuer par du personnel fonctionnaire dans des laboratoires nationalisés (en nombre insuffisant d’ailleurs) respectant les normes et exigences internationales ces wagons d’études extrêmement onéreuses requises pour constituer des dossiers de demande d’homologation/autorisation de mise sur le marché pour tous les produits chimiques, pharmaceutiques, agrochimiques (nécessaires à l’agriculture quoique prétendent les anti tout). A moins qu’ils fassent les études et se fassent rembourser par les industries. Le gouvernement qui aurait cette bonne idée, je vous dis pas……………

    1. Bonjour cher ami,

      Je suis profondément confus et je tiens à vous présenter ainsi qu’adminalerte mes sincères excuses pour mon coupable manque d’attention et pour ma réaction précipitée! En effet j’ai écrit mon intervention immédiatement après avoir lu les vôtres mais avant d’avoir été jusqu’à la dernière,, c’est-à-dire la votre donnant la référence de votre longue et précise décortication » de la dernière foucarderie, intervention que je n’avais évidemment pas lue (ce que j’ai fait mais trop tard!). La mienne faisant ainsi un peu « resucée » mais certainement pas « plagiat »! L’essentiel étant malgré tout que le foucart et ses courtisans aient été refoutus dans les cordes!

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