Pesticides : flagrant délit de prise d’otage de l’opinion

Partager sur : TwitterFacebook

Curieuse dépêche AFP (Agence France Presse) que celle signée Emmanuelle Michel à l’occasion du colloque organisé par l’ANSES et l’EFSA sur les expositions professionnelles aux pesticides qui s’est tenu les 28 et 29 octobre au siège de l’ANSES à Maison Alfort.
A lire le titre de la dépêche, « Pesticides : les agriculteurs risquent des cancers différents selon leur activité », il est clair que :

  1. le lien entre pesticides et cancer est établit
  2. les agriculteurs, utilisateurs de pesticides, sont une population à risque (donc plus exposés que la moyenne) et que ce risque élevé l’est encore plus dans certaines activités agricoles.

Voici donc comment 20 Minutes résume la dépêche avec ce chapeau : « Etude : Les risques de cancers des agriculteurs varient en fonction du secteur dans lequel ils exercent, ce qui pourrait être lié aux pesticides… »
Même processus du côté de L’Obs (ex Nouvel Observateur) avec ce titre : « Pesticides : éleveurs, fruitiers, légumiers… à chacun son cancer ? » et ce chapeau terrifiant « Selon une étude, le risque de cancer du poumon est deux fois plus élevé chez les légumiers. Le cancer de la prostate menace davantage les producteurs de bovin. »

Voilà donc le traitement médiatique de l’intervention de Pierre Lebailly, coordinateur du programme AGRICAN (AGRIculture et CANcer) et enseignant chercheur à l’Université de Caen largement tripatouillé et manipulé. Voilà donc les titres et les chapeaux qui resteront dans l’opinion comme les traces de ce colloque sur l’exposition des professionnels de l’agriculture aux pesticides.

Certes, la dépêche AFP (et donc les reprises dans les sites internet de 20 Minutes et de L’Obs) se termine par une brève évocation des premiers résultats du programme AGRICAN qui « montraient toutefois que les agriculteurs avaient une plus grande espérance de vie que la population générale. » En réalité, les premiers résultats vont plus loin et montre que les populations agricoles, donc les utilisateurs de pesticides et ceux qui y sont indirectement exposés, sont moins victimes de cancers que le reste de la population française. Évidemment, dans un contexte politique, militant (ONG) et médiatique qui ne cesse de mettre l’agriculture et les pesticides sur le banc des accusés, ces résultats sont inacceptables. Il faut donc les triturer dans tous les sens pour obtenir un titre choc.

Une journaliste présente dans la salle au cours du colloque a ainsi interpelé le chercheur Pierre Lebailly en lui demandant de détailler le budget d’AGRICAN qu’il venait pourtant de présenter brièvement. Elle souhaitait notamment savoir quelle était la part du financement de l’UIPP (le syndicat des fabricants de pesticides) dans le budget global du programme de recherche. Présentant sa propre question comme « la question qui fâche », elle sous-entendait qu’il y avait des choses à cacher et que le simple fait que l’UIPP soit un des co-financeurs (aux côtés de l’ANSES, de la MSA, de la Fondation de France et de la Ligue Nationale Contre le Cancer) pouvait expliquer ces résultats inacceptables car ne concluant pas à la responsabilité des pesticides dans le développement du nombre de cancer. En effet, les agriculteurs sont les premiers utilisateurs et personnes exposées aux pesticides. Donc si les pesticides provoquent des cancers, il serait logique que la population agricole soit plus exposée que la moyenne. Mais il n’en est rien.

Notons la finesse de la réponse de Pierre Lebailly qui a rejeté d’un revers de main le qualificatif de la question en expliquant qu’elle ne fâche pas du tout puisque l’ensemble du financement est transparent. Il s’est même permis de dire tout haut qu’il ne voyait pas l’intérêt de demander à cette journaliste la part de fond privé au capital du media pour lequel elle travaille puisque c’est une évidence que cela ne peut en aucun cas avoir une quelconque incidence sur la ligne éditoriale et le contenu des articles de la journaliste en question. Il lui a donc suggéré qu’elle fasse preuve de la même bienveillance à son égard et à celui du travail de l’ensemble de l’équipe du programme AGRICAN. Vu les réactions dans la salle, on peut dire que Pierre Lebailly a fait mouche. Tant mieux.

Mais le traitement médiatique de l’étude Agrican relève de la prise d’otage d’opinion publique !

24 commentaires sur “Pesticides : flagrant délit de prise d’otage de l’opinion

  1. Malheureusement beaucoup de journalistes ne savent pas ce qu’est une corrélation et ils pensent que cela implique un rapport de cause à effet, ce qui est faux.Il faudrait leur inculquer les concepts de base en mathématiques et statistiques (puisque l’école ne le fait pas) avant de leur accorder leur diplôme ( c’est d’ailleurs aussi le problème avec la pensée économique dont ils méconnaissent des pans entiers)

    1. Corrélation n’est pas causalité…

      Pour en avoir la preuve, allez voir le site « spurious correlations », qui donne quelques exemples de corrélations désopilantes, par exemple entre la consommation de froamge par personne et le nombre de personnes mortes étouffées dans leurs draps, ou entre les personnes qui se sont noyées après une chute d’un bateau de pêche et le taux de mariage dans le kentucky…

      http://tylervigen.com/

      1. @Astre Noir

        Corrélation n’est pas causalité…

        >>> Il y a celle bien connue des statisticiens entre l’arrivée des cigognes en Alsace au cours des mois de printemps et la courbe du nombre des naissances dans les maternités au cours de ces mêmes mois de printemps en Alsace également! Les courbes sont effectivement superposables! C’est bien la preuve que ce sont les cigognes qui apportent les bébés…..

  2. Effectivement la presse étant pour la plupart des titres entre les mains de grands groupes financiers, on pourrait se poser des questions sur l’orientation donnée par les directeurs de rédaction, sur les risques de faillite de telle ou telle banque ou de l’innovation en agriculture si ces groupes financiers comptent acquérir de la terre en France par exemple ou faciliter son acquisition par des investisseurs amis.

    Fragiliser un secteur d’activité pour y investir à moindre coût reste le B.A.BA de la démarche basique. Rien de répréhensible, seulement pas très moral, mais moralité et finance font rarement bon ménage.

    Seul les bobos citadins gobent tout ce que les journaux racontent.

    Bon reste l’appétit des chinois pour les actifs agricoles français, à encourager absolument pour élargir la palette d’acteurs, la diversité en la matière crée de la stabilité et comme au final c’est eux qui emportent la partie, autant jouer gagnant comme pour Peugeot.

  3. Je repose la question de cette journaliste aux gens de ce blog, qui paraissent bien informés sur cette étude AGRICAN :
    Qui connaît la part du financement de l’UIPP (le syndicat des fabricants de pesticides) dans le budget global du programme de recherche ???

    La pirouette de monsieur Lebailly n’est pas très glorieuse, il a fait mouche basse, oui ! .Pourquoi n’a-t-il pas répondu à la question, en toute simplicité ?? A-t-il quelque chose à cacher ??

    1. Cherchez vous-même au lieu de vous poser en Maîtresse Domina. C’est public.

      1. « Elle souhaitait notamment savoir quelle était la part du financement de l’UIPP […] dans le budget global du programme de recherche. Présentant sa propre question comme « la question qui fâche », elle sous-entendait qu’il y avait des choses à cacher […]

        Le journalisme d’investigation, au lieu de se contenter d’insinuations, ne devrait-il pas, dans un premier temps, mener sa propre « enquête » ?
        Ensuite, il nous pourra dévoiler ses conclusions étayées par autre chose que de simples arguments d’autorité.
        Malheureusement, il est assez constant que d’aucuns se contentent du soupçon et du dénigrement journalistique, pour édifier les foules… 🙁

      2. Pioupiou ne cherchera pas. En fait elle s’en fout complètement, du montant. Il lui suffit que l’UIPP ait contribué. Pioupiou use d’une pratique courante chez les écolos, et d’autres idéologues, qui remonte aux procès staliniens dans lesquels on ne posait pas la question: « ce que dit l’accusé est-il vrai ou faux ? » mais « d’où parle l’accusé ? »

      3. pioupiou , s’imagine que les dirigeants de l’UIPP et leur famille vivent dans des dômes ou des îles éloignées de contrées industrieuses.
        ils sont à l’abris des substances mortelles qu’ils fabriquent .
        ils se nourrissent des produits « biau » de leurs jardins !
        Tilt !?
        JE SAIS : LES AMISH , LES AMISH !!
        En réalité les amish regroupent tous les familles des dirigeants de l’agrochimie et les marchands de pétrole !

    2. http://www.senat.fr/rap/r12-042-2/r12-042-29.html que je conseille de lire attentivement, 450 000 € sur 10 ans, c’est peanuts. Parmi les autres financeurs: la msa, la fondation de France, la ligue contre le cancer, l’AFSSET (site du GRECAN)…
      Mais l’UIPP pourrait financer à 100%, cela n’en ferait pas une mauvaise étude, c’est le protocole qui fait la qualité de l’étude et la valeur des résultats.
      Quant à la réponse de Mr Lebailly, elle est parfaitement adaptée au comportement soupçonneux des journalistes vis à vis des scientifiques à priori malhonnêtes surtout quand les résultats d’une études vont à l’encontre de ce que leurs croyances.
      Pourquoi ne se réjouit on pas de la bonne nouvelle: nos agriculteurs pètent la santé…

    3. on s’en branle de qui finance qui !!

      l’important soit que les études soient correctes .
      Mais entre un Expert Militant (idéologiquement ) et un Expert Salarié , je préfère un Expert Salarié , Pourquoi ?

      A la retraite ou ayant changé de job , un expert salarié n’étant plus lié a son employeur peut ouvrir sa gueule alors qu’un militant croyant en se qu’il fait sera toujours prisonnier de ses dogmes .

    4. Si c’était l’hécatombe chez les agris cela se saurait !!!

      Monsieur Lebailly est une personne intègre qui ne ment pas ,je m’étais permis de le contacter par mail sur ce sujet voici environ 1 an .

      Il est certain qu’il y a des malades victimes des pesticides mais pas dans les proportions que certains journalistes  » orientés » prétendent .

      Il y a certainement quelques molécules très dangereuses et c’est ce que cherche à connaître Mr Lebailly par l’étude Agrican .

      Dans tous les cas, beaucoup d’agriculteurs ne prennent aucunes précaution lors de la manipulation et de l’épandage de ses produits,j’en sais quelques chose car je suis agriculteur et un des rares du village à me protéger par un masque panoramique et gants lors du remplissage et par un masque lors de l’épandage.

      La crainte de la population envers les pesticides est vraiment risible et reflète parfaitement sa déconnexion totale de la réalité de la vie !!!

      1. Vous avez bien raison de vous protéger.

        Un problème c’est que la vision de vos protections fout la trouille comme une tenue Halloween, au commun des mortels, à l’inculture scientifique majeure, qui croit que les résidus ne peuvent être que nocifs si on prend tant de précautions. Réflexion que m’a faite un jour un agriculteur pas bio du tout.

        1. Effectivement, le masque que l’on porte inquiète certainement, donc parfois je le retire à proximité des routes !!!

          Bonne journée

    5. piou piou

      Etant présent à cette conférence, je peux vous répéter ce que Pierre Lebailly à donné comme chiffre, a savoir 40 000€ /ans (versé par UIPP), une somme relativement petite vis à vis de ce genre de budget de recherche, qui va de plus (cru comprendre) s’arrêter du fait de ce « cinéma » minable autour d’une si petite part de leurs financements ….
      Perso, je serais resté moins cordial vis a vis de cette question, mais félicitation à Pierre Lebailly.
      Il était évident que devant ces exposés de scientifiques doués dans leurs domaine respectif, mais mauvais en communication (ce n’est pas leurs domaine) le résultat était couru d’avance.
      Assez de domaines aborder sur leur points négatifs (même du passer..) pour que les anti je ne sais plus quoi se servent en mettant tous à l’envers de façon convaincu.

      Par exemple pour l’augmentation du cancer du poumon chez certain agri (alors que ce cancer touche beaucoup moins les agri que le reste de la population active) ce que dit AGRICAN (et Pierre Lebailly durant la première journée de conférence) : Il y a une augmentation significative des cancers du poumon chez les agri qui pratiquent régulièrement des récoltes de la culture du pois (risque x 2 (mais avec risque de base faible)) . Cette augmentation n’est pas constatée chez ceux qui font des traitements mais bien chez ceux qui pratiquent la récolte (les conducteurs de machine…).
      Pas d’explication donnée, ce peut être la poussière très forte lors des récoltes de cette culture avec des mycotoxines…. .
      Deuxième « métier » cité, les tailleurs en vergers qui se trouvent avec les mêmes résultats que les « récolteurs de pois » sans que l’on ait d’explications.
      Des heures (intéressantes) à parler de ces points noirs et dix secondes seulement a rappeler que les agri sont en très bonne santé en général par rapport au reste de la population active et les bobo anti je ne sais plus quoi ne peuvent du fait de leurs ignorances renforcer d’incompétence sur la réalités des pratiques agricoles, nous sortir un tas d’info à l’envers mais riche en futur Buzz médiatique bien anxiogène.

      Ce titre « Selon une étude, le risque de cancer du poumon est deux fois plus élevé chez les légumiers. » doit venir de l’info transformée sur les «récolteurs de pois » car je ne me souvient pas de cas présenté sur des « LEGUMIERS » ou autre sujet pouvant sans rapprocher
      C’est quoi au fait des légumiers ? Des récolteurs de pois protéagineux ??
      Vraiment très très mauvais ces journalistes !!!

  4. Ah, ces écologistes, quelle schizophrénie !!!

    Toujours à invoquer le principe « pollueur-payeur », mais quand on l’applique réellement, ils râlent.

    Il est tout à fait normal et moral que les producteurs de produits phytos participent financièrement à l’étude AGRICAN.
    Car enfin, ils fabriquent des produits potentiellement polluants et dangereux, c’est normal qu’ils financent une partie des études destinées à voir les effets de leurs produits…

    Cela me rappelle la polémique gratuite qu’avait créée le journal Le Monde au sujet du fiancement du CEDRE au moment de la marée noire de l’Erika

  5. On notera que la presse française fait moins cas des financements des études concernant le bio par les groupes qui vendent du bio, idem pour le sans OGM des groupes Auchan ou Carrefour, généreux publicitaires .

  6. Tout n’est pas à jeter dans la production audiovisuelle française actuelle:

    http://www.france4.fr/emissions/anarchy

    On croit reconnaitre quelques personnages du museum national d’histoire naturelle ou quelques grands humanitaires spécialistes du transport de sac de riz.

    A recouper avec d’autres discours d’économistes bien plus sérieux et suffisamment nombreux pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’une pure fiction.

Les commentaires sont fermés.