UMP ET ÉCOLOGIE : décryptage d’une élection

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« Un séisme » . Un résultat « inimaginable il y a encore peu ». Christine Boutin n’a pas de mots assez forts pour qualifier la victoire sur le fil de son suppléant Jean-Frédéric Poisson. Celui-ci a remporté la législative partielle organisée dans la 10ème circonscription des Yvelines… avec 12 804 voix contre 12 799 pour Anny Poursinoff, conseillère régionale d’Ile-de-France et candidate Europe Ecologie. Une différence de seulement 5 voix !

Un résultat (50,01%) obtenu après recomptage des votes dans la nuit de dimanche à lundi par une commission préfectorale de la Préfecture des Yvelines à comparer aux 58% réalisés par la présidente du Parti chrétien démocrate aux législatives de 2007. Car Rambouillet et ses environs sont réputés être solidement acquis à la droite, comme en témoignent les – confortables -réélections successives de Gérard Larcher, président du Sénat, à la mairie de Rambouillet depuis 1983.

A ce coup de théâtre, plusieurs explications. La faible participation, tout d’abord, 25,99% selon la Préfecture. De plus, ni Myriam Baeckeroot (Parti de la France), ni Philippe Chevrier (FN) n’avaient appelé leurs électeurs du premier tour (plus de 7% à eux deux) à se reporter sur Jean-Frédéric Poisson tandis qu’Anny Poursinoff recevait le soutien du PCF, du PS, de l’ancienne ministre de l’environnement Corinne Lepage et de François Bayrou, le président du Modem. Les 24 points d’avance enregistrés au premier tour par le député sortant sur la candidate écologiste n’auront donc pas suffi à rendre aisée sa réélection, faute de disposer de la moindre réserve de voix à droite.

Jean-Frédéric Poisson a expliqué le caractère serré du résultat par la hausse du forfait hospitalier ou la fiscalisation des indemnités des accidents du travail ainsi que le contexte du procès Clearstream. Le « miraculé » a aussi confié avoir été confronté à des « adversaires verts très militants, très agressifs, à la gauche de la gauche » .

Le prix d’un alignement idéologique sur les Verts

Avec le Grenelle de l’environnement et la taxe carbone, « on se dit que le gouvernement fait campagne pour les écolos » , a également déclaré Jean-Frédéric Poisson.

Un constat partagé par le vice-président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jean Leonetti : « avec le Grenelle, on est dans une démarche de cautionnement » du vote écolo.

Avec la « mise au pinacle » des thèmes écologistes, renchérit le villepiniste François Goulard, « c’est incontestable qu’il y a un électorat modéré de droite et du centre susceptible de voter pour les Verts, au moins au niveau local » .

« Même si les Verts sont souvent à la gauche de la gauche, tout cela disparaît derrière le consensus écologique aujourd’hui extrêmement partagé dans l’opinion publique » , ajoute Marie-Anne Montchamp, député UMP du Val-de-Marne.

« On voit là l’un des effets pervers de l’ouverture » et il va falloir, selon elle, « se décider à ne pas rester dans la tactique pour s’engager dans une réflexion doctrinal » .

Certains jugent même Nicolas Sarkozy en partie responsable de la montée en puissance des Verts . « Leur dérouler le tapis rouge peut se retourner contre nous » , assure un élu UMP, reprochant au chef de l’Etat d’avoir reçu la secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, à l’Elysée le 3 septembre au sujet de la taxe carbone.

Bientôt, les régionales…

Face au danger, à six mois des régionales, l’UMP a décidé d’adapter son discours. Le patron de l’UMP Xavier Bertrand appelle ainsi à « ne pas confondre l’écologie portée par la majorité et l’écologie que portent les Verts, synonyme de décroissance et de refus du nucléaire » . « J’ai demandé » à la secrétaire d’Etat à l’Ecologie Chantal Jouanno « de faire tout un travail politique pour faire la différence entre être écologiste et être Verts ».

En singeant les Verts, en partant notamment des mêmes postulats – très contestables, même si ça n’est pas pour y apporter tout à fait la même réponse, l’UMP laisse croire ses propres électeurs qu’ils avaient raison avant tout le monde. Des électeurs qui pourraient bien préférer l’original à la copie aux prochaines élections régionales ! Christine Boutin constate elle-même que « quand vous avez Jean-Louis Borloo qui claque la bise à Cohn-Bendit comme à un copain, les électeurs se disent: « il vaut mieux aller vers le vrai produit que vers le produit light ». »

Il est étonnant que Nicolas Sarkozy, si prompt à citer Gramsci (« la victoire politique est précédée d’une hégémonie intellectuelle et culturelle » ) n’ait pas compris que la droite, en s’alignant sur les écolos et en participant au phénomène de crédibilisation de leurs opinions au point de les faire passer pour des faits scientifiques, était en train de creuser sa propre tombe. Mais face au déferlement médiatique écologiste, avait-il seulement le choix ? Comme le PS a fini par payer cher son instrumentalisation du FN, Nicolas Sarkozy pourrait bien entraîner la perte de l’UMP à force d’instrumentaliser les Verts contre le PS. Des Verts manifestement plus aptes à recueillir le vote de droite aux seconds tours que le PS…

Le scrutin à un tour pour sauver l’UMP ?

« On aurait intérêt à réfléchir à un changement de mode électoral et à réfléchir à un scrutin à un tour » , avait avancé Jean-Pierre Raffarin en mai. Son idée n’a pas été retenue pour les régionales de 2010, mais pour les élections territoriales de 2014 que la réforme des collectivités prévoit de mettre en place. Pour les législatives, Sarkozy envisage également un scrutin à un seul tour, « comme en Angleterre » , assure un proche.

En attendant, les Verts devraient déposer dans les « tous prochains jours » un recours devant le Conseil d’Etat et réclamer la tenue de nouvelles élections législatives partielles dans la 10ème circonscription des Yvelines.

12 commentaires sur “UMP ET ÉCOLOGIE : décryptage d’une élection

  1. Le mode de scrutin le plus démocratique c’est le scrutin uninominal à un tour. Allez faire comprendre ça aux Français ! Ils ne sont pas gaulois pour rien. Sarko, s’il essaye de l’instituer c’est pas par philosophie politique, c’est pas opportunisme, comme à chaque fois qu’en France on a changé de mode de scrutin. On en a souvent changé dans notre histoire !

  2. @Laurent Berthod :

    « Le mode de scrutin le plus démocratique c’est le scrutin uninominal à un tour. »

    Le plus simple peut-être, mais certainement le MOINS démocratique puisque c’est le moins minoritaire qui gagne sans devoir être majoritaire absolu. Le scrutin proportionnel est à mon sens le plus démocratique bien que moins pragmatique que l’uninominal à deux tours.

  3. Le mode de scrutin uninominal à un tour contribue à une bipolarisation, donc un appauvrissement de la vie politique.
    Regardez les pays qui l’appliquent (notamment USA et UK), et vous verrez qu’il n’y a plus que deux partis qui comptent.

    Même si au Royaume Uni, il existe un parti qui n’est pas anecdotique, le lib-dem (lointain descendant du parti whig), mais malgré des scores très honorables (18 à 22 % des voix depuis 1992), il ne parvien,t pas à remporter plus de 3à 8 % des sièges.

    D’accord avec Bruno, le scrutin le plus démocratique est le scrutin proportionnel

  4. @ Astre Noir et Bruno:

    Oui le scrutin proportionnel est le plus démocratique (en apparence) mais c’est aussi celui qui génère le plus d’instabilité politique (voir l’Italie, jusqu’en 1993, instauration d’un scrutin majoritaire)…

    Pour les législatives je serais plutôt pour un scrutin uninominal mais avec obligation pour tous les partis de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions. Cela donnerait le choix aux électeurs.

    De toutes manières, un bon tiers des électeurs naviguent à vue entre les deux grandes tendances en France. Sans parler des abstentionnistes.

    Mais il est vrai que les engagements « écologiques » du Président Sarkozy vont lui faire très mal aux régionales. Comme je l’ai écrit dans un précédent post, le FN et le NPA vont faire de très bons scores. Et je ne sais pas si cela est une bonne nouvelle!!! (heureusement que le scrutin n’est pas proportionnel!!!)

  5. La démocratie ce n’et pas un sondage d’opinion, ce n’est pas élire des députés qui représentent proportionnellement les multiples courants d’opinion. C’est élire des représentants qui vont prendre des décisions, conduire une politique et en être responsables devant leurs électeurs au scrutin suivant.

    La démocratie vise à dégager une majorité de gouvernement.

    Le scrutin proportionnel n’est pas démocratique car les alliances de gouvernement se concluent après le scrutin, donc « dans le dos des électeurs ». En outre, comme ce mode de scrutin conduit à un émiettement des partis politiques, ces alliances peuvent changer au cours de la mandature. C’est moins l’instabilité gouvernementale qui n’est pas démocratique que le fait que, malgré une tendance du corps électoral qui a pu se dégager du scrutin, le gouvernement qui en sort puis être de tendance opposée. Cela arrive fréquemment avec le mode de scrutin proportionnel.

    Le scrutin uninominal à deux tours est plus démocratique, car les alliances de gouvernement se concluent au plus tard entre le premier et le second tour, le corps électoral à donc le moyen, au second tour, d’y porter un jugement.

    Le scrutin uninominal à un tour conduit effectivement à dégager deux grands partis, qui alternent au pouvoir. L’électeur à donc à choisir entre deux lignes politiques. Il sen dégage une majorité stable et une opposition. Durant la mandature le rôle le plus important du parti d’opposition n’est pas tellement de proposer une politique alternative mais d’assurer le contrôle de la majorité, de veiller à mettre au jour ses tendances à la dictature et à piquer dans la caisse (en général le pouvoir monte à la tête). Le bipartisme n’appauvrit absolument pas le débat politique. Les arbitrages plus fins que la ligne politique générale sont débattus au sein de chacun des deux partis. C’est ainsi que Margaret Thatcher a été débarquée du poste de chef du parti majoritaire et ipso facto de celui de premier ministre par son parti, le parti conservateur. En cours de mandature, a-t-on vu sous la cinquième république un premier ministre débarqué par l’UMP (ex RPR, ex UDR, ex UNR) ou par le PS (ex SFIO). Jamais ! Toujours du seul fait du prince !

    La démocratie britannique est une grande démocratie. Elle est parlementaire, ce qui la rend à mon avis plus démocratique que le régime présidentiel américain. Les Français se porteraient mieux de réfléchir plus souvent à ses avantages et à s’en inspirer, au moins de temps à autres.

  6. « Le bipartisme n’appauvrit absolument pas le débat politique »
    => C’est une opinion…. que je ne partage pas… 😉
    De toute façon, le mode de scrutin n’est pas le seul élément qui permet de juger du caractère démocratique ou pas d’un pays.
    Il y a aussi la structure du gouvernement, le statut des contre-pouvoirs, et surtout…. l’accessibilité, l’objectivité et l’indépendance de la Justice…

  7. « le mode de scrutin n’est pas le seul élément qui permet de juger du caractère démocratique ou pas d’un pays »

    Bien sûr, vous avez parfaitement raison, mais la discussion portait plutôt sur le caractère plus ou moins démocratique des différents modes de scrutin (même si dans le dernier paragraphe de mon précédent message je me suis laissé emporter à élargir un peu le champ de mon discours).

    Quand au bipartisme je persiste : il n’appauvrit pas le débat politique. Le maire de Londres a longtemps été un trotskiste supporté par l’aile gauche du parti travailliste. En France à quelle poste plus élevé que député européen a pu accéder un trotskiste ?

  8. Oui, bon, d’accord, à la question de mon précédent message, je vois venir, on va me sortir « Lionel Jospin » ! C’est vrai, je l’avais oublié, que voulez vous la pratique trotskiste de l’entrisme ne facilite pas la mémorisation !

  9. @daniel :

    « Oui le scrutin proportionnel est le plus démocratique (en apparence) mais c’est aussi celui qui génère le plus d’instabilité politique »

    Je peux citer un contre exemple qui est celui de la Belgique que je connais bien puisque j’y vis ! Cette semaine encore on apprenait au 20h de TF1 que la raison de l’exil fiscal France->Belgique était l’instabilité de la législation fiscale en France 😉 Maintenant je ne vous cache pas qu’ici on préférait plutôt votre mode de scrutin alors que vous nous enviez le notre :p

  10. @ Bruno:

    Il ne faut pas confondre l’empilement des lois en France avec la succession de gouvernements du fait de la proportionnelle directe (cas de l’italie, ou du canada aussi). La multitude des partis rends quasi impossible la formation d’une gouvernement ayant la majorité absolu. Il s’ensuit des tractations et un petit parti peut faire ou défaire le gouvernement.

    L’Italie a connue plus de 50 gouvernements depuis la fin de la guerre. La Belgique n’est pas mieux placée avec ses turpitudes actuelles (il a fallut combien de temps pour vous trouver un nouveau premier ministre après les dernières élections??)et son mode politique (fédéralisme et équipollence des normes…). Chaque état fédéré a autant de pouvoir de le fédéral…

    Vous trouverez ici la liste des gouvernements italiens depuis la fin de la guerre….

  11. Laurent :
    « De toute façon, le mode de scrutin n’est pas le seul élément qui permet de juger du caractère démocratique ou pas d’un pays.
    Il y a aussi la structure du gouvernement, le statut des contre-pouvoirs, et surtout…. l’accessibilité, l’objectivité et l’indépendance de la Justice… »

    J’ajouterais le pouvoir réel du Parlement…
    Dans la plupart des démocraties, le parlement exerce un réel pouvoir, amende les décisions de l’exécutif, voire s’y oppose. Il n’est pas rare de voir un président américain, un premier ministre britannique devoir batailler contre sa propre majorité pour les convaincre d’adopter un texte.

    En France, nous avons un président de la république qui a une idée en se rasant, qui nomme une commission chargée de réfléchir et de donner une conclusion conforme à l’idée du président, et un parlement qui s’exécute en votant la loi servilement

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