de l’Europe des régions à l’écologisme

Partager sur : TwitterFacebook

region-3

Denis de Rougemont : de l’Europe des régions à l’écologisme

A partir des années 70, Denis de Rougemont enfourche la bataille écologiste, la considérant comme une nouvelle opportunité pour faire faire progresser ses idées régionalistes. Le personnaliste suisse rejoint rapidement le Club de Rome (célèbre pour le fameux rapport Halte à la croissance ?) et y présente, lors d’une conférence à Berlin en 1974, un rapport intitulé « L’obstacle majeur a tout système global : l’Etat-nation ». En 1976, il préside une association écologiste fraîchement créée – Ecoropa – qualifiée par un de ses membres de « collège invisible » de l’écologisme. On y retrouve ses deux anciens comparses de L’Ordre Nouveau, Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, ainsi que des personnalités comme Teddy Goldsmith ou Armand Petitjean. Ce dernier, compromis dans le régime de Vichy et richissime héritier de la parfumerie Lancôme, a joué un rôle important dans la propagande écologiste, en dirigeant la collection « écologie » au sein de la maison d’édition Fayard dans les années 70. Dans la foulée de sa fondation, Ecoropa lance un appel afin, entre autres, de « promouvoir une démocratie écologique dans une Europe régionale et fédérale (…) au-delà du Marché commun et des Etats-nations ». Parmi les signataires de cet appel, on trouve les grandes figures de l’écologie comme Teddy Goldsmith, René Dumont, Jean-Marie Pelt, Solange Fernex, etc.

En 1977, Denis de Rougemont signe son manifeste écologiste, salué entre autres par Brice Lalonde, intitulé L’avenir est notre affaire, dans lequel il désigne un ennemi : les Etats-nations, car ceux-ci « ont géré (et détruit) (les) ressources (de la Terre) en vue de leur seule puissance et de leur seul prestige (…) ». Il s’attriste d’ailleurs du rôle joué par l’Europe pour répandre ce modèle d’Etat-nation, ce qu’il appelle le « virus européen » : « En tant que puissance colonisatrice, l’Europe a répandu dans le monde entier la formule de l’Etat-nation (…), la croyance aux deux mille cinq cents calories nécessaires par jour, et le désir morbide de posséder non seulement des centrales nucléaires mais beaucoup de sources de pollution (…). » En conséquence, « le seul problème politique vraiment sérieux de la société moderne n’est donc pas de choisir entre une gauche et une droite qui pratiquent la même religion, mais de défaire et dépasser l’Etat-nation ».

En 1979, Denis de Rougemont organise un colloque sur le thème « Ecologie et Politique : l’enjeu européen ». Dans son discours intitulé « Ecologie, régions, Europe fédérée : même avenir », il dresse un parallèle entre l’Etat-nation et la pollution : « Je vois une profonde analogie de structure entre agression industrielle contre la Nature et agression stato-nationale contre les communautés locales ou ethniques. La réaction contre l’agression industrielle s’appelle Ecologie. La réaction contre l’agression stato-nationale s’appelle Région. » Fort logiquement, il propose le mariage entre écologistes et régionalistes : « L’Etat-nation est (…) l’obstacle commun aux solutions écologiques et régionales, d’où l’identité d’intérêts politiques entre régionalistes et écologistes, mais aussi entre fédéralistes européens et régionalistes. (…) il devient évident que les organisations écologistes devraient entrer au plus vite en relations avec les organisations régionalistes et fédéralistes dans tous nos pays et à l’échelle continentale. » La même année, Solange Fernex, par ailleurs signataire de l’appel d’Ecoropa mentionné plus haut, dirige la liste écologiste aux Européennes sous la bannière « Europe Ecologie ». Une de leurs revendications est la suivante : « Les écologistes veulent construire l’Europe. Mais ils rejettent l’Europe des Etats-nations pour choisir l’Europe des régions, seule échelle permettant l’avènement d’une société écologique. » Denis de Rougemont peut savourer son succès.