François Veillerette

Le manichéisme de Veillerette et Nicolino

Début 2007, François Veillerette et son comparse Fabrice Nicolino ont sorti un livre intitulé Pesticides, un scandale français, dans lequel ils dénoncent avec virulence comment « l’industrie des pesticides a pris le pouvoir en France, sans que personne ne s’en doute. ». Ce livre a été célébré de façon quasi unanime par les médias. On voit d’ailleurs mal comment un journaliste pourrait critiquer ce livre sans se faire taxer d’être à la solde du lobby des pesticides (et je sais de quoi je parle). Il n’y a guère eu que le journaliste du Monde, Gilles Van Kote, qui a noté un point faible : son « manichéisme (“D’un côté le fric et les engins, de l’autre les bêtes, les hommes, un équilibre ancien”) ».

Cependant, pour renforcer ce manichéisme entre bons et méchants, rien de tel que de de faire l’amalgame les producteurs de pesticides et les pires des méchants… les nazis, évidemment. Ils parlent ainsi de M. Thiaut qui devient directeur, à partir de 1980, du Service de protection des végétaux (SPV), chargé de pratiquement toutes les mesures de contrôle et d’homologation des pesticides en France. Or ce personnage doit être particulièrement détestable, et cette institution odieuse, car les auteurs rappellent tout de suite que le SPV « a été imposé par les Allemands pendant l’Occupation ». Et ils en rajoutent une couche 200 pages plus loin, au cas où l’on aurait oublié : « Et c’est bel et bien l’Allemagne nazie qui contraint les Français à créer, le 25 mars 1941, le Service de la défense des végétaux, qui deviendra en 1945 et jusqu’à nos jours le Service de protection des végétaux (SPV). »

De même, Nicolino et Veillerette nous invitent à suivre «nos géniaux inventeurs [en l’occurrence, les chimistes] jusqu’au cœur de l’Irak, en passant par Auschwitz et le Vietnam.» Et ils rappellent qu’« après la Seconde Guerre mondiale, [IG-Farben] sera démantelée pour sa collaboration active au massacre des juifs et des tziganes, puis scindée en de nombreuses entités. Parmi elles, d’excellents pôles chimiques de compétitivité, qui marquent aujourd’hui encore le paysage mondial : Bayer, BASF, Hoechst ». De là à sous-entendre que ces entreprises actuelles sont les dignes héritières des complices de l’Holocauste, il n’y a qu’un pas que les auteurs franchissent allègrement : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, on connaît la ritournelle. »

Enfin, pour terminer, ce passage scandaleux où les fabricants de pesticides se voient assimilés de façon irrémédiable aux bourreaux nazis : « En résumé, l’industrie des pesticides n’a manqué aucun rendez-vous avec la tragédie humaine. Les auxiliaires de l’agriculture étaient dans les tranchées, face aux paysans de Tambov révoltés, à Auschwitz, le long de la piste Hô Chi Minh. Ils ont brûlé des poumons chinois ou éthiopiens, étouffé les Kurdes de Halabja en 1988. Les pesticides sont de notre temps, ce sont d’authentiques modernes. […] Les nazis ont inventé la “solution finale” pour éviter l’emploi du mot “génocide”, pour interdire au sang de couler sur leur face. Certes, les fabricants de pesticides ne méritent pas d’être comparés à ces bourreaux essentiels. Mais sont-ils pour autant innocents ? Peuvent-ils se laver les mains tranquillement ? Ont-ils le droit moral de se regarder le soir dans une glace sans voir les détails vrais, indiscutables, de l’histoire qu’ils ont forgée ? »