Liaisons dangereuses à la Fondation des Sciences Citoyennes

Au service d’une nouvelle gouvernance mondiale

Si la FSC s’inquiète des lobbyings des firmes privées exercés sur les pouvoirs publics, elle est moins regardante sur le lobbying de la Fondation pour le progrès de l’homme et la façon dont elle instrumentalise la FSC pour ses propres fins. Car la FSC est avant tout le « bébé » de la FPH puisque cette dernière avait engagé dès 1996-1999 une réflexion sur la « science citoyenne », c’est-à-dire sur la nécessité de développer des débats sur les enjeux de certaines nouvelles avancées scientifiques et techniques. En juin 1999, Pierre Calame, le directeur général de la FPH, avait écrit un Manifeste pour une science citoyenne, responsable et solidaire. C’est dans ce même esprit que la FPH a participé en 2001 à un colloque organisé par la revue EcoRev’, elle aussi proche des Verts et financée par la FPH, avec pour thème « Quelles sciences pour quelle société ? ». Un certain nombre des participants au colloque formeront le noyau dur de la FSC qui sera fondée peu de temps après.

Alors pourquoi la FPH subventionne la FSC ? Tout simplement parce qu’elle concourt à la réalisation du grand rêve de Pierre Calame : la mise en place d’une nouvelle gouvernance mondiale dans laquelle l’Etat et la souveraineté nationale seraient mis au second plan. Il estime ainsi que « la gouvernance mondiale actuelle, restée fondée sur des relations entre Etats souverains, n’est pas en mesure de relever les défis du monde actuel et souffre de plus d’un défaut de légitimité. Une nouvelle architecture est nécessaire. » En fait, le modèle du patron de la FPH, c’est la construction européenne. En 1996, réunissant plusieurs artisans du début de l’aventure européenne, ceux-ci ont expliqué qu’il avait été « indispensable que des instances soient créées, qui puissent parler de l’intérêt commun de l’Europe face aux responsables politiques nationaux et éventuellement contre eux. C’est de façon parfaitement consciente que l’on a créé des instances “technocratiques”, faites de gens sans mandat politique et parlant au nom de l’Europe ». Et pour Pierre Calame, il est clair que « sans cette Europe technocratique, il n’y aurait pas eu d’Europe du tout ».

Dans la perspective de cette gouvernance mondiale, Pierre Calame considère que la « société civile » et les ONG sont de bons candidats pour constituer de nouvelles « instances “technocratiques”, faites de gens sans mandat politique ». Il se félicite donc de « l’intrusion en force, dans le débat public, de l’expertise citoyenne en réseau », affirmant qu’« on commence seulement à prendre conscience de sa supériorité technique sur l’expertise étatique. (…) Cette expertise citoyenne en réseau, peut-être encore brouillonne et parfois irresponsable, sera, à n’en pas douter, une des modalités essentielles de la gouvernance de demain ». Il est à noter que cela s’inscrit parfaitement dans la volonté de certains milieux néolibéraux de saper autant que possible les pouvoirs nationaux. Il n’est pas étonnant de voir que celui qui a élaboré avec Pierre Calame ce projet de gouvernance n’est autre que Georges Berthoin, qui a présidé pendant dix-sept ans la branche européenne de la Commission trilatérale. Or ce cercle de réflexion fondé en 1973 par David Rockefeller, ancien dirigeant de la Chase Manhattan Bank, est composé principalement de partisans du néolibéralisme économique (dirigeants de multinationales, financiers, hommes politiques ou experts de la politique internationale). D’ailleurs si le patron de la FPH bannit fermement la « globalisation économique sans frein », l’« intégrisme des marchés » et l’« innovation technologique sans contrôle », il ne rejette pas la mondialisation, estimant même que « l’intuition fondatrice de Davos était bonne », et se fait volontiers l’avocat de l’OMC, n’hésitant pas à crier « Vive l’OMC dans son principe ! » et à traiter de « romantisme de pacotille » le fait de se réjouir de l’échec de l’OMC à Cancun. Pour en savoir plus sur la FPH, nous vous conseillons un article très pertinent à ce sujet publié dans Agriculture & Environnement intitulé « L’étrange fondation de la famille Calame » et disponible ici.