Ecologie et religions

« L’écologie est une foi »

Teddy Goldsmith, le fondateur de la revue radicale L’Ecologiste, conçoit les religions et les spiritualités comme un moyen efficace pour faire adopter les contraintes écologistes. Selon l’écologiste franco-britannique, avec un interdit écologique d’ordre religieux – en d’autres termes, un tabou –, les individus auront davantage peur de le transgresser que s’il s’agissait d’une simple loi édictée par le pouvoir politique. Goldsmith admire en particulier les « religions premières » ou païennes, les seules réellement écologiques car celles-ci sacralisaient la nature. Son souhait est aussi de voir les grandes religions suivre la même voie que ces religions païennes. Goldsmith a d’ailleurs participé à plusieurs conférences sur ce sujet et a en outre consacré un numéro entier de L’Ecologiste sur le thème « Religions & Ecologie ». Il rejoint, à ce titre, le point de vue du prince Philip d’Angleterre et ses initiatives pour que les responsables religieux intègrent le facteur écologique dans leurs prêches.

Goldsmith va cependant encore plus loin, affirmant que « l’écologie est une foi » : « C’est une foi en la sagesse des forces qui ont créé le monde naturel et le cosmos dont nous faisons partie (…). C’est une foi en notre aptitude à développer les schémas culturels qui nous permettront de préserver ce qui reste de l’intégrité et de la stabilité du monde naturel ». Et il rêve qu’à l’instar de l’homme traditionnel qui « croyait aveuglément aux principes sacrés dont il était imprégné », l’homme moderne adhère à cette foi sans se poser trop de questions. Goldsmith préconise donc une conversion permettant d’abandonner le paradigme scientifique et la « conception moderniste du monde » pour les remplacer par la « conception écologique du monde ». Il précise qu’« une telle conversion, ou changement généralisé de paradigme, entraîne une profonde réorganisation du savoir qui forme notre vision du monde. Elle doit toucher jusqu’aux fondements métaphysiques, éthiques et esthétiques. Elle implique en réalité un changement proche de la conversion religieuse (…) ».

Mais attention, il ne s’agit pas d’une conversion religieuse superficielle. Et voici comment Goldsmith décrit les conditions particulières dans lesquelles il aimerait bien voir les individus afin qu’ils opèrent cette véritable conversion à la foi écologique : « Une conversion véritable semble s’opérer dans des conditions tout à fait particulières, que le psychologue William Sargant a comparé à celles qui conduisent à la dépression nerveuse ou permettent le lavage de cerveau des prisonniers de guerre pour les amener à confesser les crimes qu’ils n’ont pas commis. Le traitement par électrochocs pratiqué dans les hôpitaux psychiatriques remplit apparemment une fonction similaire. Ceci explique pourquoi les conversions religieuses sont souvent précédées par des cérémonies physiquement et mentalement éprouvantes, l’absorption de drogues ou d’alcools et la mise en état de transe, comme dans les fameux rites dionysiaques. Tout cela crée un état mental qui, sur le plan fonctionnel, pourrait bien être analogue à la dépression nerveuse et dans lequel il devient possible d’inculquer à l’individu une nouvelle vision du monde. »

Pour amorcer sa révolution écologique, Goldsmith fonde aussi ses espoirs dans des mouvements qu’il qualifie de « millénaristes » ou de « cultes revitalistes », expliquant que « certains signes donnent à penser que ces mouvements pourraient prôner un retour à un mode de vie traditionnel ». Il mentionne en particulier le cas du fondamentalisme islamique : « Ainsi, alors même que la montée du fondamentalisme dans les pays musulmans et en Inde apparaît comme une poussée très antipathique de chauvinisme, de fanatisme et d’intolérance, c’est aussi indéniablement une réaction contre l’impérialisme économique occidental et la dislocation des cultures et des traditions musulmanes et hindoues provoquée par le développement scientifique, technologique et industriel occidental. » Evidemment, Goldsmith préfèrerait voir les cultes revitalistes à tendance écologique se développer avec des moyens pacifiques. Il estime ainsi que « l’“Ecologie profonde”, avec ses préoccupations éthiques et métaphysiques, pourrait devenir un mouvement de ce genre », et de nommer en particulier l’association écologiste américaine EarthFirst!. Or cette association radicale a été l’une des premières à perpétrer, peu pacifiquement, des actes d’écosabotage pour « sauver la Terre Mère »…