Ecologie et religions

Du New Age à Gaïa

Il est incontestable que parmi les sympathisants écologistes, on trouve la grande majorité des adeptes des spiritualités dites « New Age » ou Nouvel Age, souvent d’inspiration orientale. Le Nouvel Age est apparu à la même époque où les critiques ont été formulées contre le judéo-christianisme. En fait, il était annoncé l’âge du Verseau – une nouvelle ère d’harmonie et de sensualité célébrée entre autres dans la fameuse comédie musicale Hair – censé remplacer l’âge du Poisson, c’est-à-dire l’âge du Christ. L’âge du Verseau devait amorcer un profond changement de valeurs avec la promotion de l’hédonisme comme credo. En France, les contestations de Mai 68 ont constitué un terreau très favorable pour le développement de ces nouvelles valeurs, associées souvent à la contre-culture de la drogue.

Dans son livre Les enfants du Verseau : pour un nouveau paradigme, Marilyn Ferguson apporte une bonne synthèse de ce qu’elle appelle la « conspiration du Verseau ». Elle explique que l’anxiété suscitée par la crise écologique a constitué un ferment pour l’émergence d’une conscience planétaire : « Sensibles à notre crise écologique, nous franchissons océans et frontières pour coopérer. En éveil, pris de peur, nous partons à la recherche de solutions chez les uns et les autres. » Ferguson considère que « le village global est une réalité », grâce aux mouvements et réseaux qui se préoccupent de l’environnement, du pacifisme, du féminisme, de la faim dans le monde, etc. Elle considère la société malade, et cette maladie s’appelle le matérialisme : « Le capitalisme et le socialisme, tels que nous les connaissons, ont tous deux le même pivot : les valeurs matérielles. Ces philosophies ne peuvent convenir à une société transformée. » Pour elle, le moment est devenu propice à cette transformation, car la population a atteint la satiété en ce qui concerne le matériel. Pour conforter sa conviction, elle cite Zbigniew Brzezinski, président du Conseil de sécurité des Etats-Unis sous l’administration Carter, qui parlait d’une « aspiration croissante au spirituel ». « Selon lui, les gens ont découvert que 5 pourcent de croissance des biens n’est pas la définition du bonheur », écrit Marilyn Ferguson, qui poursuit : « Il reconnaît que la religion traditionnelle ne peut y suppléer : “C’est pourquoi l’on constate une recherche d’une religion personnelle, d’une liaison directe avec le spirituel (…). Cela se produit à une échelle mondiale”. » De fait, en 1978, 10 millions d’Américains étaient engagés dans la croyance à un certain aspect des religions orientales, 9 millions dans la guérison spirituelle, comme le démontre un sondage Gallup mentionné par Ferguson.

Dans un autre genre, l’« hypothèse Gaïa » imaginée dans les années 80 par le chimiste britannique James Lovelock – hypothèse selon laquelle la Terre serait un organisme vivant – a également contribué à renforcer les courants d’écolospiritualité. En effet, Lovelock a, d’une certaine manière, remis au goût du jour l’ancien culte de la Mère Terre, le nom « Gaïa » provenant d’ailleurs de l’ancienne déesse grecque signifiant « Mère Terre ». Ainsi, Lovelock ressuscite les vieilles croyances païennes, tout en veillant à les rattacher à des traditions chrétiennes comme le culte de la Vierge Marie. Dans Les âges de Gaïa, Lovelock explique donc : « La croyance qui veut que la Terre soit vivante et doive faire l’objet d’un culte existe encore dans des endroits reculés comme l’ouest de l’Irlande et les campagnes de certains pays latins. En ces lieux, les sanctuaires de la Vierge Marie semblent avoir plus de sens, et attirer plus de sollicitude que l’église elle-même. (…) Je ne peux m’empêcher de penser que ces gens des campagnes adorent quelque chose qui dépasse la vierge chrétienne. (…) Si l’on pouvait faire comprendre à leur cœur et leur esprit qu’elle est l’incarnation de Gaïa, alors ils pourraient peut-être prendre conscience que la victime de leurs destructions est effectivement la Mère de l’humanité et la source de la vie éternelle. »

Aujourd’hui, la pensée de nombreux responsables écologistes s’inscrit dans cette mouvance New Age, comme par exemple, Philippe Desbrosses, le chantre de l’agriculture bio, qui écrit dans un de ses livres : « Après les égarements rationalistes, matérialistes, après les utopies marxistes, les décadences des religions, les erreurs capitalistes, l’humanité a besoin de nouvelles voies, de nouvelles croyances, de nouvelles cathédrales. C’est peut-être l’émergence d’une nouvelle foi écologique dans une vision globale de l’univers (…). » Celui-ci reconnaît volontiers qu’il a connu une crise mystique dans les années 70 et que « tout (son) parcours est émaillé de cette recherche mystique et spirituelle ». Mais pour se convaincre de la réalité de cette vague écolospirituelle, rien ne vaut un petit tour aux salons « Marjolaine », « Zen et Bio » ou « Vivez Autrement », tous organisés par le président du WWF-France, Claude Dumont. En effet, dans ces salons, les associations et militants écologistes côtoient les associations New Age les plus farfelues. Il est même quelques fois cocasse d’y trouver des écologistes dénonçant les produits phytosanitaires et les OGM avec de nombreux arguments « scientifiques » dans une enceinte où sont également vantés les bienfaits de l’hypnoréflexologie énergétique et du massage biodynamique…