Rien de neuf sous le soleil

Pesticides – Révélations sur un scandale français ou quand deux militants écologistes s’adonnent à l’art de l’amalgame

Pour montrer à quel point les pesticides sont mauvais et leurs promoteurs d’horribles personnages, Fabrice Nicolino et François Veillerette n’ont rien trouvé de mieux que la technique de l’amalgame. Elle a le mérite d’être efficace et de frapper les esprit. Et on peut dire qu’ils ont frappé fort.

En ce qui concerne les pesticides, Fabrice Nicolino et François Veillerette les amalgament presque systématiquement à un scandale sanitaire passé. Quand Hervé Gaymard accepte que les stocks de Régent existants soient écoulés, les auteurs ajoutent subtilement « comme pour les stocks de sang contaminé au temps funeste du docteur Garretta ! » Mais ce n’est pas tout. Ils citent pêle-mêle le tabac, l’amiante (de façon récurrente), le plomb dans l’essence, les éthers de glycol, le distilbène, les boues d’épuration, les nitrates, les produits cancérigènes, le nuage de Tchernobyl, le sel dans l’industrie alimentaire, les ondes électromagnétiques, etc., et concluent avec un argument massif : « Chers lecteurs, comment pourrait-on espérer qu’il n’en va pas de même avec les pesticides, dont l’enjeu économique est énorme ? » Comme l’écrivait fort justement Fabrice Nicolino dans La Croix (16 janvier 2007) : « Les écologistes se sont souvent trompés. Et il serait facile de rassembler un bêtisier écrasant avec certaines de leurs prédictions les plus affreuses, heureusement démenties par les faits. » Nous pourrions ajouter : « Chers lecteurs, comment pourrait-on imaginer qu’il n’en va pas de même avec les pesticides. »

Mais associer les pesticides avec d’autres problèmes sanitaires n’était sans doute pas, selon les auteurs, assez percutant. Ils ont alors également sorti l’artillerie lourde. Si l’on veut faire simple, Veillerette et Nicolino sous-entendent constamment une filiation directe entre le lobby des pesticides et les nazis. Ah, ils ne le disent pas sous cette forme, ils sont plus futés que cela.

Ils parlent ainsi de M. Thiaut qui devient directeur, à partir de 1980, du Service de protection des végétaux (SPV), chargé de pratiquement toutes les mesures de contrôle et d’homologation des pesticides en France. Or ce personnage doit être particulièrement détestable, et cette institution odieuse, car les auteurs rappellent tout de suite que le SPV « a été imposé par les Allemands pendant l’Occupation ». Et ils en rajoutent une couche 200 pages plus loin, au cas où l’on aurait oublié : « Et c’est bel et bien l’Allemagne nazie qui contraint les Français à créer, le 25 mars 1941, le Service de la défense des végétaux, qui deviendra en 1945 et jusqu’à nos jours le Service de protection des végétaux (SPV). »

De même, Nicolino et Veillerette nous invitent à suivre « nos géniaux inventeurs [en l’occurrence, les chimistes] jusqu’au cœur de l’Irak, en passant par Auschwitz et le Vietnam. » Et ils rappellent qu’« après la Seconde Guerre mondiale, [IG-Farben] sera démantelée pour sa collaboration active au massacre des juifs et des tziganes, puis scindée en de nombreuses entités. Parmi elles, d’excellents pôles chimiques de compétitivité, qui marquent aujourd’hui encore le paysage mondial : Bayer, BASF, Hoechst ». De là à sous-entendre que ces entreprises actuelles sont les dignes héritières des complices de l’Holocauste, il n’y a qu’un pas que les auteurs franchissent allègrement : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, on connaît la ritournelle. »

Enfin, pour terminer, ce passage scandaleux où les fabricants de pesticides se voient assimilés de façon irrémédiable aux bourreaux nazis : « En résumé, l’industrie des pesticides n’a manqué aucun rendez-vous avec la tragédie humaine. Les auxiliaires de l’agriculture étaient dans les tranchées, face aux paysans de Tambov révoltés, à Auschwitz, le long de la piste Hô Chi Minh. Ils ont brûlé des poumons chinois ou éthiopiens, étouffé les Kurdes de Halabja en 1988. Les pesticides sont de notre temps, ce sont d’authentiques modernes. […] Les nazis ont inventé la “solution finale” pour éviter l’emploi du mot “génocide”, pour interdire au sang de couler sur leur face. Certes, les fabricants de pesticides ne méritent pas d’être comparés à ces bourreaux essentiels. Mais sont-ils pour autant innocents ? Peuvent-ils se laver les mains tranquillement ? Ont-ils le droit moral de se regarder le soir dans une glace sans voir les détails vrais, indiscutables, de l’histoire qu’ils ont forgée ? »