Risques alimentaires au « bon vieux temps »

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Comme l’expliquait il y a quelques années le professeur d’histoire Jean-Louis Flandrin (1931-2001), avec le développement du mouvement écologiste, on a l’impression que « le risque alimentaire serait chose d’aujourd’hui ; il résulterait de la pollution galopante qu’engendrent la grande industrie et l’agriculture moderne, ainsi que des supercheries de l’industrie alimentaire ». Il ajoute : « On a donc tendance à imaginer qu’au cours des siècles passés ce risque était insignifiant. » Il n’en est cependant rien et l’historien nous donne plusieurs exemples montrant que les risques et les angoisses alimentaires sont bien plus anciens que l’avènement de la société industrielle, bouc émissaire des écologistes.

Evidemment, il y avait en premier lieu les disettes, Jean-Louis Flandrin rappelant que « rares étaient les décennies sans disette et ses corollaires : multiplication des prix des grains (…) ; crise économique ; famine pour les pauvres – surtout les pauvres paysans ». Mais en plus des disettes, il y a eu avant le 19ème siècle de nombreuses personnes souffrant de malnutrition et de carences alimentaires dont certaines « dans les milieux paysans tenaient aux productions agricoles trop limitées de certaines régions ». D’autres étaient dues à des préjugées de l’époque, comme au Moyen Age où les classes sociales élevées considéraient « la plupart des légumes comme trop « grossier » pour en consommer ». Ces carences ont eu un impact sévère sur la santé. Ainsi, par exemple, ceux qui se nourrissaient exclusivement de maïs souffraient de carence en vitamine S avec comme conséquence des épidémies de pellagre. Cette maladie se caractérise par des plaies purulentes sur le corps, des troubles intestinaux et nerveux pouvant aboutir à la mort. Une autre maladie terrible était l’ergotisme provoqué par l’ergot de seigle, un champignon hallucinatoire, pouvant entraîner des convulsions ou une gangrène. Il y a également le botulisme dû à une toxine mortelle, la botuline, pouvant être présente dans la charcuterie avariée et qui était fatale en à peine quelques heures.

Mais cela ne s’arrête pas là. Le saturnisme, dû au plomb, faisait des ravages non seulement chez un certain nombre d’artisans comme les fondeurs, zingueurs, peintres, imprimeurs, etc., mais aussi par le biais des aliments des boissons et des aliments avec les couverts en étain ou les casseroles étamées. Et que dire de l’eau ! Si l’on regrette la pureté des cours d’eau d’autrefois, c’est que l’on oublie qu’ils étaient pollués de diverses manières, comme le souligne Jean-Louis Flandrin : « L’eau était autrefois polluée par quantité d’autres principes que le plomb : la lessive se faisait à la rivière, qu’utilisaient aussi teinturiers, tanneurs, foulons, et autres artisans ; jetés dans les rivières ou gisant à terre et rincés par la pluie, il y avait encore les cadavres et les déjections des bêtes et des hommes, les microbes et les virus des maladies dont ils étaient atteints. » Certes, jadis, on buvait rarement de l’eau, considérée dangereuse pour la santé, non pas en raison de sa pollution mais de sa nature trop « froide » et trop « humide » ! Toutefois, cette eau pas très pure était quand même utilisée pour faire de la bière ou, dans le nord de l’Europe, pour couper le vin.

Source

Jean-Louis Flandrin, « Risques et angoisses alimentaires avant le XIXe siècle », in Risques et peurs alimentaires. Odile Jacob, Paris, 1998.

17 commentaires sur “Risques alimentaires au « bon vieux temps »

  1. Il y a une bonne dizaine d’années, j’ai entendu lors d’une émission télé à laquelle il était invité, le Pr Émile-Étienne Beaulieu – Directeur de recherche à l’INSERM, inventeur, entre autres découvertes, de la « pilule du lendemain » (RU486) – répondre aux outrances de l’écologisme radical professées par M. Noël Mamère du « tout est pollué », en posant la question suivante :
    « Dans les conditions de vie déplorables que vous décrivez : air pollué, aliments et eau pour la consommation humaine malsains, comment ce fait-il que l’espérance de vie des populations des pays développés ne cesse d’augmenter ? »
    Je profite de ce post pour dire la forte antipathie que j’ai ressentie à cause de l’intolérable goujaterie de M. Mamère, qui, dans ce débat, avait eu la parole « en premier » et qui ne fut nullement interrompu par le Pr Beaulieu.
    En revanche, à peine ce dernier avait-il, à son tour, commencé son exposé, qu’il fut, lui, quasi-immédiatement interrompu par ce bateleur.
    La patience manifestée, la sérénité et le sourire entendu du M. Beaulieu en disaient long sur le ridicule plus qu’évident affiché par son interlocuteur engagé dans sa logorrhée.

  2. « ….l’intolérable goujaterie de M. Mamère….. »

    La goujaterie est, parmi beaucoup d’autres, une des images de marque de Mamère…

  3. On peut également recommander la lecture de l’excellent ouvrage de Madeleine Ferrières, publié aux éditions du Seuil, collection Point, Histoire :

    « Histoire des peurs alimentaires
    Du Moyen Âge à l’aube du xxe siècle »

    Ces peurs n’étaient pas toutes infondées, loin de là ! Pas comme aujourd’hui. Quels progrès !

  4. Oui, mais maintenant, la malbouffe rend chauve et homosexuel !

    Et c’est prouvé, puisque c’est l’innénarrable président bolivien Evo Morales qui le dit

    Ah! Alors!! Si c’est Morales qui le dit c’est que çà doit être vrai!

  5. Le « peyotl » est à l’origine plutôt associé au sud des États-Unis (Nouveau Mexique) et aux pays d’Amérique centrale (Mexique, par exemple).
    Il n’empêche : le président bolivien en serait-il un consommateur immodéré ?
    Ce qui expliquerait les hallucinations récurrentes dont ils est victime…

  6. « Ce qui expliquerait les hallucinations récurrentes dont ils est victime »

    A moins que ce ne soit la lecture assidue de Marx, Lenine, Engels et consorts……

  7. Ces deux matières associées et absorbées sans modération… et voilà l’état dans quel il se met ! 🙂

  8. @ ME51 :

    Et dans le lien que vous donnez, on constate que les principaux cas de contamination viennent de l’atrazine et du paraquat, deux produits qui ne sont plus utilisés

  9. Ainsi, pour 4,98 millions d’habitants, soit 8,1 % de la population
    française, l’eau du robinet a été au moins une fois non-conforme au cours de l’année 2008.
    Les eaux distribuées sont généralement de bonne
    qualité vis-à-vis des pesticides. En 2008, la
    situation de conformité permanente a
    concerné 91,9 % de la population pour
    laquelle des données sont disponibles, soit
    56,4 millions d’habitants.
    Cependant, dans de nombreuses UDI, les
    dépassements observés ont été ponctuels
    (quelques jours seulement au cours de l’année
    2008).

    ====> Ce n’est pas avec ce niveau « d’exposition » que la santé des populations est dramatiquement mise en danger……

    Le nombre de personnes concernées par ces nonconformités
    a diminué faiblement par rapport à
    2007 (environ 0,3 %, soit 81 000 habitants).

    ====> Conclusion: la situation non seulement ne s’aggrave pas contrairement aux bobards répandus par certains extrémistes mais elle s’améliore. lntement certes mais elle va dans le bon sens.*

    Cependant, un dépassement très ponctuel a
    conduit à classer, en situation B1, 7 UDI d’Ile de
    France, soit environ 2,3 millions d’habitants (3,7 %
    de la population française) répartis sur 5
    départements de la couronne parisienne.
    Les situations B2, correspondant à la présence de pesticides ayant conduit à une restriction des
    usages de l’eau pour la boisson et la préparation d’aliments, ont concerné en 2008 96 UDI, réparties
    sur 19 départements et alimentant environ 61 600 personnes (soit 0,1 % de la population française).

    ====> Une très faible fraction de la population a été exposée « très ponctuellement » à des concentrations ayant conduit à des restrictions d’usages. Là encore, il n’y a pas eu de risques pour la santé.

    Environ 75,0 % des situations de
    restriction des usages alimentaires de
    l’eau (64 UDI alimentant 45 600
    personnes) concernent deux
    départements : la Seine-et-Marne et
    l’Eure-et-Loir.
    Les UDI concernées par de telles
    situations sont généralement de faible
    taille (641 habitants en moyenne) et
    sont principalement situées dans le
    bassin parisien et le quart nord-est de la
    France.
    82,0 % des UDI en situation B2 en 2008
    l’étaient déjà en 2007, soit 79 UDI
    alimentant 54 400 personnes.

    Sur les 4,98 millions d’habitants dont l’eau a
    dépassé les limites de qualité, 4,92 millions
    (98,8 %) ont été alimentées par de l’eau non
    conforme n’ayant pas nécessité une restriction
    d’utilisation d’eau pour les usages alimentaires.

    ===> P

    Les dépassements des limites de qualité ont en
    effet été limités :
    – au niveau des teneurs en pesticides mesurées
    (teneur inférieure à la valeur sanitaire maximale) ;
    – et/ou dans le temps (moins de 30 jours en 2008).

  10. Ainsi, pour 4,98 millions d’habitants, soit 8,1 % de la population
    française, l’eau du robinet a été au moins une fois non-conforme au cours de l’année 2008.
    Les eaux distribuées sont généralement de bonne
    qualité vis-à-vis des pesticides. En 2008, la
    situation de conformité permanente a
    concerné 91,9 % de la population pour
    laquelle des données sont disponibles, soit
    56,4 millions d’habitants.
    Cependant, dans de nombreuses UDI, les
    dépassements observés ont été ponctuels
    (quelques jours seulement au cours de l’année
    2008).

    ====> Ce n’est pas avec ce niveau « d’exposition » que la santé des populations est dramatiquement mise en danger……

    Le nombre de personnes concernées par ces nonconformités
    a diminué faiblement par rapport à
    2007 (environ 0,3 %, soit 81 000 habitants).

    ====> Conclusion: la situation non seulement ne s’aggrave pas contrairement aux bobards répandus par certains extrémistes mais elle s’améliore. lntement certes mais elle va dans le bon sens.*

    Cependant, un dépassement très ponctuel a
    conduit à classer, en situation B1, 7 UDI d’Ile de
    France, soit environ 2,3 millions d’habitants (3,7 %
    de la population française) répartis sur 5
    départements de la couronne parisienne.
    Les situations B2, correspondant à la présence de pesticides ayant conduit à une restriction des
    usages de l’eau pour la boisson et la préparation d’aliments, ont concerné en 2008 96 UDI, réparties
    sur 19 départements et alimentant environ 61 600 personnes (soit 0,1 % de la population française).

    ====> Une très faible fraction de la population a été exposée « très ponctuellement » à des concentrations ayant conduit à des restrictions d’usages. Là encore, il n’y a pas eu de risques pour la santé.

    Environ 75,0 % des situations de
    restriction des usages alimentaires de
    l’eau (64 UDI alimentant 45 600
    personnes) concernent deux
    départements : la Seine-et-Marne et
    l’Eure-et-Loir.
    Les UDI concernées par de telles
    situations sont généralement de faible
    taille (641 habitants en moyenne) et
    sont principalement situées dans le
    bassin parisien et le quart nord-est de la
    France.
    82,0 % des UDI en situation B2 en 2008
    l’étaient déjà en 2007, soit 79 UDI
    alimentant 54 400 personnes.

    Sur les 4,98 millions d’habitants dont l’eau a
    dépassé les limites de qualité, 4,92 millions
    (98,8 %) ont été alimentées par de l’eau non
    conforme n’ayant pas nécessité une restriction
    d’utilisation d’eau pour les usages alimentaires.

    ===> Par conséquent les concentrations détectées n’étaient pas dangereuses pour la santé. les niveaux détectées étaient des niveaux « réglementaires » et non pas « toxicologiques ».

    Les dépassements des limites de qualité ont en
    effet été limités :
    – au niveau des teneurs en pesticides mesurées
    (teneur inférieure à la valeur sanitaire maximale) ;
    – et/ou dans le temps (moins de 30 jours en 2008).

  11. Astre Noir,

    Je me méfierais de tirer trop vite des conclusions de ce que les principaux cas de contamination viennent de deux produits qui ne sont plus utilisés.

    Je ne connais pas l’histoire du paraquat, mais celle de l’atrazine, oui. L’atrazine a été utilisée à grande échelle pendant de très nombreuses années (première mise sur le marché d’une triazine : 1962). C’était un produit efficace, peu coûteux, peu toxique et non cancérigène. Il est normal qu’il s’en soit accumulé dans les eaux souterraines. Depuis son interdiction en 2001, je ne sais par quoi elle a été remplacée par les agriculteurs. Je me souviens d’articles d’Instituts techniques expliquant que ça allait être plus compliqué. En tout état de cause les produits par lesquels l’atrazine a été remplacée sont sans doute divers, donc utilisés chacun moins massivement. En outre ils sont utilisés en remplacement de l’atrazine depuis un nombre d’année plus faible que celui durant lequel celle-ci a été employée. Il est donc normal qu’on en trouve moins dans les eaux souterraines. Mais qu’en sera-t-il dans vingt ans ?

    Je persiste à penser, sauf à ce qu’on m’oppose des arguments raisonnables, que l’interdiction de l’atrazine, coup médiatique de la gauchécolo qui pensait que ça aiderait à l’élection de Jospin en 2002 (ricanement !), a été une sottise sur le plan de la santé publique. Le problème est désormais réglé définitivement puisque l’interdiction est devenue européenne.

  12. Contrairement à la plupart des molécules utilisés à ce jour,le gros inconvénient de l’atrazine est quelle ne se dégradait pas ou pas assez dans les sols.
    Le carbofuran,insecticide du sol,très largement utilisé naguére a également été supprimé depuis quelques années.Pourtant cette molécule n’a jamais été retrouvé dans les eaux car les micro organismes du sol la détruisait complètement.

    Vu les quantités ha de phytos utilisés auparavant ( à par accident)et vu la faible quantité retrouvée dans les captages,je ne pense pas du tout que dans les 20 ans à venir on en retrouve plus qu’aujourd’hui,surtout avec les quantités épandues beaucoup plus faible qu’à l’époque.
    En 1975 il fallait 6 litres de colorants nitrés pour desherber les dycots et 3 litres d’urée (clhortoluron et isoproturon) pour desherber les graminés,aujourd’hui on fait la même chose avec un volume total de produits de 2 litres maximum et même parfois de seulement 500 grammes et ceci avec des produits ayant un profil toxicologique offrant bien plus de garanties.

    Un de nos « ennemis » avait déclaré il y encore peu de temps que la Guadeloupe était envahi de chlordécone et pourtant l’eau de consommation est potable de 95 % à 100 %!!!ceci dit le cas des Antilles n’est pas l’exemple à suivre.

  13. Rapport à la conformité de l’eau du robinet… vous oubliez de préciser une chose (importante me semble t’il) Qui défini les seuils en deçà desquels on donne l’eau comme étant conforme?

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