Néonicotinoïdes et glyphosate : les étranges certitudes d’un apiculteur alsacien

Partager sur : TwitterFacebook

Les Dernières Nouvelles d’Alsace viennent de publier un étrange article qui relaye les affirmations d’un apiculteur alsacien, Alain Hel­bert, sans ni les vérifier ni donner la parole à un contradicteur qualifié. C’est davantage une tribune qui fait suite à la perte de « cinq ruches sur les neuf qu’il pos­sède » cet automne. Immédiatement, l’ancien garde forestier « met en cause la per­sis­tance de pro­duits chi­miques dans l’en­vi­ron­ne­ment, dont cer­tains ont pour­tant été ban­nis des cultures ». L’homme, dont le quotidien régional tente de nous dresser un portrait d’expert (« loin d’être un ama­teur », « il a dé­buté en 1977 », « il a pos­sédé 40 co­lo­nies et pra­ti­qué la trans­hu­mance », « en 1987, il a été nommé ‘spé­cia­liste api­cole’, après avoir été formé par les ser­vices vé­té­ri­naires du Haut-Rhin », etc.) en est certain : « C’est symp­to­ma­tique de l’em­poi­son­ne­ment par les néonicotinoïdes qui agissent sur le sys­tème ner­veux des abeilles. Elles perdent le sens de l’orien­ta­tion et ne re­trouvent plus la ruche ».

Sauf que les néonicotinoïdes sont interdits et que la dérogation permise pour les cultures de betteraves (victimes de la jaunisse) jusqu’en 2023 par une loi votée le 10 décembre 2020 est tout juste effective. Et Hirtzbach, tout au sud de l’Alsace, où vit notre apiculteur, est moins concerné que le reste de la région par la culture de la bette. Difficile donc d’établir un rapport entre cette dérogation future et la perte de cinq ruches de l’automne dernier. Mais Alain Hel­bert n’en démord pas : les néonicotinoïdes « ont une très longue durée de ré­ma­nence dans le sol. Ils re­montent dans les cultures sui­vantes. On es­time que seule­ment 10 % du pro­duit a été uti­lisé par la plante à l’ori­gine ». C’est évidemment faux :

La DT50 représente la durée au bout de laquelle 50 % d’une substance utilisée est détruite. Elle permet ainsi d’appréhender la persistance (ou rémanence) de cette substance. © Ineris 2015, Données technico-économiques sur les substances chimiques en France : Néonicotinoïdes, DRC-15-136881-07690B, p. 43

Une étude datant de 1999 mentionne que 97 jours après le semis, seulement 23 % d’imidaclopride et 4 % de ses métabolites se trouvaient dans le sol, suggérant soit un fort taux d’absorption par la graine, soit la dégradation d’une partie de la molécule.

La journaliste a raison de donner la parole à Alain Helbert. Mais la déontologie devrait la pousser à confronter les affirmations d’icelui à des résultats d’études, ce qu’elle ne fait malheureusement pas, induisant en erreur ses lecteurs non-spécialistes qui finissent par croire une fake news parce qu’elle a été répétée dix mille fois.

Comme notre consœur ne le fait pas, rappelons donc que les néonicotinoïdes sont accusés à tort de tuer les abeilles alors que ceux-ci ont été mis hors de cause (voir ici et ) et que les causes de mortalité de ces insectes semblent multifactorielles (même les apiculteurs en conviennent) : varroa, pratiques apicultrices, maladie noire, frelon asiatique, recul de la diversité botanique, feuilles de cire (d’origine chinoise) gaufrées polluées, etc.

Alain Helbert ac­cuse également… le gly­pho­sate ! « Il af­fai­blit les abeilles et les rend sen­sibles à d’autres germes pa­tho­gènes. » Évidemment, aucune référence pour étayer cette affirmation. Logique : aucune étude n’arrive à cette conclusion. Pourquoi la journaliste ne le dit-elle pas ? Cette complainte collective sur les disparitions supposées d’insecte n’a, au passage, strictement aucun sens.

Alain Helbert finit par virer parano sur l’herbicide : « il se fixe dans le sol et va dans les cours d’eau. On le trouve par­tout, y com­pris dans l’air ! » C’est vrai… mais à hauteur de 0,060 ng/m3, un ng étant un milliardième de gramme. Le progrès technologique permet de détecter l’infime, ce qui permet aux marchands de peur professionnels de paniquer et de manipuler les populations. Jamais ils ne rappelleront qu’à ces niveaux-là, on n’atteint même pas 1% du seuil toxicologique… Ce qui fait dire à la journaliste Géraldine Woessner qu’« on trouve plus de cocaïne dans l’air ambiant d’Amsterdam que de glyphosate dans l’air français », ou que dans le pipi des agriculteurs.

Ces précisions devraient être apportées par la journaliste, ce qu’elle ne fait pas. Manque de déontologie, manque de temps, militantisme écologiste ? Les trois à la fois ? Nous vous laissons juger.

Bouffi de certitudes, Alain Helbert se qualifie quant à lui de « lucide » avant de conclure en prédisant l’apocalypse, comme tant d’autres : « On as­siste en di­rect à une ex­tinc­tion de masse. » Pas des fake news en tout cas !

22 commentaires sur “Néonicotinoïdes et glyphosate : les étranges certitudes d’un apiculteur alsacien

  1. Neuf ruches et le gars se bombarde apiculteur…
    Comme si moi, avec mes 20 pieds de tomates dans mon potager, je faisais la leçon aux maraîchers.
    Misère.

  2. Avec la vague de froid qu’on c’est pris en Alsace (il y avait encore de la neige il y a deux jour), il a peut-être simplement mal protégé ses ruches du froid. Et au lieu de le reconnaître accuse les pesticides (de synthèse).

  3.  » on trouve plus de cocaïne dans l’air ambiant d’Amsterdam que de glyphosate dans l’air français , ou que dans le pipi des agriculteurs. » A ce propos , Elisa ne serait plus habilitée à nous chercher des poux :https://www.terre-net.fr/actualite-agricole/politique-syndicalisme/article/la-frsea-denonce-la-fiabilite-douteuse-des-tests-utilises-par-les-pisseurs-205-176369.html#comment-container Nos « piss’ & love » peuvent remettre leurs couches !

    1. Cela fait longtemps qu’on sait que c’est une escroquerie. J’ai pas mal d’articles sur mon blog, tous sourcés.
      Le problème est que ça ne perce pas dans les médias et que la justice, bombardée de plaintes, n’a pas l’air de réagir (ne pas l’accuser trop vite, cela peut aussi être une manoeuvre de l’avocat).

      1. « calomniez , calomniez , il en restera tjrs qq chose… » Avec la majorité des médias complaisants et la complicité de certains politiques , je crains que le mal dans l’opinion publique ne soit déjà fait .Ce n’est que quand disettes , baisse de l’espérance de vie et conflits en tout genres reviendront gangréner nos sociétés que certains remettrons les pieds sur terre , si entre temps ils ne se retrouvent pas six pieds dessous !

        1. La hausse des prix des denrées alimentaires va (peut être) remettre du plomb dans la cervelle de certains et les ramener à la raison.
          Quand on lit les grandes lignes du Greendeal de la Commission, il y a de quoi être perplexe: même l’USDA ne comprend pas comment on peut être aveuglés à ce point.

  4. Bonjour, peut-être une lueur d espoir face à ces écolos inconscients des dégâts qu’ils font sur l agriculture et sur le moral des agriculteurs.
    Thierry viticulteur à Bordeaux

  5. Bonjour
    Je suis apiculteur dans le Sud-Ouest, j’exploite 150 ruches, je veux voisine qui lui exploite 1000 ruches… Je peux certifier qu’il y a moins de problèmes d’intoxication depuis qu’il n’y a plus d’épandage sur le tournesol par exemple.
    Le problème n’est toujours pas résolu car tous les étés sur certaines secteur, les butineuses ne revienne jamais… Pour moi ce sont les graines enrobées… Le phénomène est amplifié lorsque nous avons des orages avec de grosses pluies. Tous les ans pour le colza, certains agriculteurs n’hésitent pas à traiter avec de l’insecticide lors de la floraison, crayon ainsi des intoxication aiguë. Je peux vous envoyer les tapis d’abeilles mortes devant les ruches…
    Si ce ne sont pas les produits phyto, pourquoi en retrouve-t-on dans les analyses de cire? Qu’est-ce qui tue nos abeilles. en l’espace de 20 ans nous avons dû adapter nos pratiques afin de renouveler notre Châtel la hauteur de 40 % tout les ans pour rester compétitif et atteindre les mêmes production…

    1. Pourquoi donc la DGAL mandaté par Lefol pour étudier les causes d’effondrement des ruches n’avait pu constater en 2017 (ou 2016) que 4% d’intoxication réellement du à des produits chimiques et que sur ces 4% un seul rucher ne l’était par des produits d’origine agricole! Les autres produits chimiques provenant de la lutte contre le varoa (mal faite ..).
      C’est marrant de nombreux apiculteurs sont sur que c’est les produits agricolesont leurs pb mais les analyses montrent le contraire ! Faite les analyser les cires lorsque vous avez un pb et avec les preuves vous pourrez agir en dédommagement! Ha au fait , sur ce même rapport de la DGAL , il y avait plus de pertes de ruchers du à la famine (12 ou 14% ) et surtout la majorité était du a des pb sanitaire mal gérés par les apiculteurs!.

        1. « « J’ai appris à utiliser des phytos. Tels symptômes, telles matières actives pour traiter. J’étais un pharmacien. J’ai pratiqué ça pendant dix ans sans en avoir peur et en pensant même que c’était très bon pour la terre et tout le monde. » »

          Le discours du nouveau converti, prosélyte, qui prends les « païens » pour des blaireaux. Affligeant !

          Le reste est malheureusement derrière un péage.

  6. Et hier soir, nous avons eu droit sur A2 à un reportage pas trop mal ficelé sur l’évolution de l’agriculture en France mais cognant encore dur sur le glyphosate, les engrais et les pesticides. https://www.france.tv/france-2/nous-paysans/ Décidément, ces journalistes… Et ils ne voient même pas ce qui se passe à l’étranger!

    1. Participait au débat qui s’en suivait la fondatrice de la ferme du bec hellouin , ferme souvent mise en avant par tous ceux qui ne jurent que par le bio , la permaculture et le retour à l’agriculture de bon papa…Celle-ci , dans des propos très raisonnés et raisonnables reconnaissait qu’il leur avait fallu se diversifier (enseignement ,etc…) pour pouvoir faire « bouillir la marmite »! C’est quand même bien l’aveu que dans le triptyque du concept d’agriculture durable , qui repose sur le social (nourrir les hommes) , l’économie (faire vivre décemment son homme ) et l’écologie (limiter son impact sur l’environnement) , le bio échoue sur les deux premiers piliers…Et quant à dire qu’il est prépondérant sur le troisième , le débat reste toujours ouvert !

    2. Un joli documentaire qui a dérapé grave vers 1:18. Dommage.

      Le débat a été très bon.

      MacLesggy fera mieux le 1er mars à 21h05.

      1. Un commentaire dans le Monde sous un article sur les néonics:

        « J’ai regardé attentivement le reportage diffusé sur la 2 cette semaine et consacree aux paysans. Un chef d’oeuvre de communication politique à la gloire de la FNSEA (presidente invitée sur le plateau), du mouvement des Jeunes Agriculteurs Catholiques (JAC). Le message : nous sommes ceux qui nourissons la France et si pesticide il y a c’est parce qu’on nous a demandé de.. (les technciens des chambres d’agriculture). Bien sûr on a un peu honte devant la camera que cela puisse tuer des gens mais que voulez vous ma bonne dame… En revanche rien sur la Confédération Paysane l’autre syndicat professionnel (pas invité au débat) mais la patrone de la ferme du Bec Heloin champion de la permaculture marketéee. Sa representante avait elle ce soir là conscience d’être la cation utile et le faire valoir d’un lobby ? Piegée ou consentante? »

        https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/02/25/119-parlementaires-europeens-denoncent-les-failles-du-systeme-d-evaluation-des-pesticides_6071226_3244.html?contributions

        Il y a des gens qui n’ont vraiment pas compris qui les nourrit!

      2. « MacLesggy fera mieux le 1er mars à 21h05. » Sauf qu’en face sur la 2 on aura un épisode de plus du « storytelling « de « BigOrganic » (pardon pour les anglicismes , mais ça fait tellement vulgaire…j’adore !!! ) qui va dérouler sur la très médiatique affaire Giboulot….A la 2 les parts de marché , à la 6 les parts « d’objectivité » !

Les commentaires sont fermés.