Au risque du principe de précaution

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Alors que l’économiste Pascal Perri vient de rendre un rapport intitulé « Notre (si) cher principe de précaution » au « think tech » français Institut Sapiens, il éclaire les lecteurs de La France Agricole du 9 mars 2018 sur ce principe sans cesse invoqué dans les médias. Comme il le rappelle, « au départ, le principe de précaution est un acte de foi dans la technologie et dans les sciences. Il est une réponse à la société du doute, mais il n’est pas censé être une résultante de la peur ». Or aujourd’hui, force est de constater qu’il est devenu « un principe castrateur, détourné de ses ambitions initiales par des corps constitués, qui s’en sont saisis comme d’un bouclier, entretenant les peurs pour mieux défendre leurs arrières-pensées politiques. Le principe de précaution devrait être marqué par l’action. Il est aujourd’hui caractérisé par la passivité à l’égard de la recherche et de l’innovation. »

Pascal Perri regrette le caractère désormais « infranchissable » du principe de précaution depuis son inscription dans la constitution et constate qu’il est « l’illustration de la faiblesse de nos politiques face à l’opinion, défendant une société du ‘zéro risque’. » « Quand on est rationnel », et adulte ajouterions-nous, « on admet que le risque est une confrontation au danger » et que « plus on produit de richesses, plus on produit du risque » : en effet, « l’innovation et la recherche, indispensables aux entreprises, génèrent un risque aux conséquences positives ou négatives que nos sociétés modernes doivent être capables d’arbitrer en conscience ». Et bien sûr, « les associations et ONG, opposées à la recherche, entretiennent la confusion entre le risque et le danger » (Cf. par exemple la question des phytos…) Le président de la République aussi, au passage.

Pascal Perri déplore ensuite « l’absence de discours scientifique dans le débat médiatique » et sa conséquence immédiate : le « crédit » accordé aux « marchands de peur ». « Les médias laissent davantage la parole à des théories pseudo-scientifiques, séduisantes mais fausses » comme « La nature est bienveillante. L’homme pervertit son environnement. » Résultat ? L’opinion est influencée « dans un sens contraire à la science » alors que « le débat doit être scientifique » et que « l’opinion publique ne doit pas dire les faits scientifiques, c’est le rôle des chercheurs ».

Tandis que le principe de précaution « limite considérablement notre capacité à jouer un rôle dans » la nouvelle donne mondiale, « il devient indispensable de remettre de l’économie dans le droit, afin de ne pas empêcher nos entreprises d’innover » car « sur certains sujets, comme les OGM, c’est une fatwa idéologique qui nous empêche d’avancer » et pendant que « certains continuent à travailler, nous faisons une pause ».

Pascal Perri conclut en ces termes : « La double peine serait que, demain, nous soyons obligés d’acheter le savoir-faire que nous n’avons pas voulu développer. Ne pas rechercher, c’est prendre un risque ! »

5 commentaires sur “Au risque du principe de précaution

  1. « Quand on est rationnel », et adulte ajouterions-nous, « on admet que le risque est une confrontation au danger » et que « plus on produit de richesses, plus on produit du risque » ? Ce n’est vrai qu’en partie. On produit des risques… et on en élimine d’autres.

  2. La loi :
    Art. 5. – Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.
    La pratique :
    « provisoire » étant compris comme « en attendant » les résultats des « procédures d’évaluation », il suffit de ne les mettre en oeuvre …

  3. Le principe en lui-même n’est pas mauvais comme le rappelle Un Physicien. C’est son interprétation et son utilisation politique éhontée qui sont désastreuses. En témoigne la sortie de notre « Jupiter » tout puissant qui amalgame le glyphosate et l’amiante, nous éclairant « en même temps » sur sa véritable motivation: Se protéger lui-même de toute mise en cause. Quel pleutre imbécile !

    1. Non Jupiter n’a pas invoqué le « principe de précaution ». Je pense que sa « sortie » au Salon de l’Agriculture procède d’une autre motivation : la pétoche comme vous l’écrivez en fin de commentaire. On a le choix entre hypocondrie (en témoigne son programme électoral qui n’est pas un simple « attrape-tous-les couillons) et peur d’être accusé (sa sortie au SIA). Probablement les deux.

  4. l’application du principe de précaution est à géométrie variable : c’est en fait un alibi pour bloquer lâchement certaines choses (OGM…) alors qu’il n’y a pas d’arguments valables. A titre d’exemples: la production énorme de monnaie papier ( quantitative easing) , la dette colossale des états,la politique qui attire des millions de migrants alors qu’il y a plus de 20 millions de chômeurs en Europe , les guerres au Moyen orient …..répondent ils à ce principe? Bien sûr que non et il n’y a même pas d’évaluation sérieuse des risques.

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