Et si l’agriculture bio menaçait la planète ?

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L’article, publié en juin 2017 dans la revue Environmental Research Letters, a été écrit par Michael Clark, un étudiant diplômé de l’Université du Minnesota qui travaille sur les impacts environnementaux et sanitaires des changements alimentaires, et David Tilman, professeur d’écologie à l’université.

Se basant sur 164 travaux scientifiques, les deux chercheurs ont comparé l’impact de l’agriculture conventionnelle avec celui de l’agriculture biologique dans cinq domaines : l’utilisation des terres; les émissions de gaz à effet de serre; la consommation d’énergie ; le potentiel d’acidification (l’augmentation de l’acidité dans l’écosystème, qui peut entraver la croissance des plantes) ; et le potentiel d’eutrophisation (une augmentation aura ici un impact sur l’environnement en contribuant aux proliférations d’algues et à la naissance de zones aquatiques mortes).

Les résultats sont décevants pour l’agriculture bio, pour laquelle militent pourtant Michael Clark et David Tilman : il a été constaté que, par unité de nourriture produite, elle avait un potentiel d’utilisation des terres et d’eutrophisation plus élevé, tendance à avoir un potentiel d’acidification plus élevé, n’offrait pas de bénéfices en termes de gaz à effet de serre (GES), mais, c’est vrai, consommaient moins d’énergie.

Le conventionnel préserve davantage la planète

Reprenons chaque point dans le détail : selon l’étude, les fermes biologiques ont besoin de 25 à 110% de terres supplémentaires pour arriver au même niveau d’unités de nourriture produite. Elles ont par contre tendance à utiliser moins d’énergie (-15% en moyenne) mais cela ne se traduit pas par des émissions de GES significativement plus faibles (seulement -4% en moyenne), la faute à l’utilisation de fumier, loin d’être neutre en matière de GES, par les tenants du bio. Si la biodiversité tend à être plus forte près des fermes biologiques, probablement en raison d’une utilisation plus faible d’engrais et de phytos, l’agriculture biologique a un impact négatif net sur la biodiversité et le stockage de carbone organique dans le sol à des échelles spatiales plus importantes en raison du plus grand défrichement requis en agriculture biologique et parce que la biodiversité et les stocks de carbone diminuent considérablement avec la conversion des habitats naturels. Mieux vaut donc impacter davantage une plus petite partie de la planète afin de préserver le reste !

Le conventionnel permet de nourrir tout le monde

Ces constats complètent ceux réalisés par Steve Savage, spécialiste de l’agriculture et consultant indépendant, qui a examiné les données du département (ministère) américain de l’Agriculture pour l’année 2014. Il a pu constater que pour le coton, le conventionnel est 45% plus productif que le bio. Pour les lentilles et le maïs, il l’est de 35%, pour le soja de 31%, etc.

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La population mondiale augmentant, les besoins alimentaires encore plus, ces données sont à prendre en compte.

Notre planète menacée par un futur bio

Enfin, Ramez Naam, l’auteur de Infinite Resource: The Power of Ideas on a Finite Planet, a parfaitement décrit les conséquences dramatiques pour notre planète d’une transition – Dieu merci parfaitement hypothétique – du monde à un système agricole biologique… dont l’augmentation spectaculaire du nombre de vaches nécessaires à la production d’engrais organiques. Laissons-lui la parole :

Si nous voulions réduire l’utilisation de pesticides et le ruissellement de l’azote en transformant toutes les terres agricoles de la planète en agriculture biologique, nous aurions besoin d’environ 50% de terres agricoles de plus que ce que nous avons aujourd’hui. Le monde aurait besoin de 5 à 6 milliards de têtes de bétail supplémentaires pour produire suffisamment de fumier pour fertiliser ces terres agricoles. Il y a seulement environ 1,3 milliard de bovins sur la planète aujourd’hui. Ajoutons à cela que nous aurions besoin de couper environ la moitié de la forêt restante du monde pour cultiver et faire paître le bétail produisant le fumier nécessaire à la fertilisation de toutes ces cultures. Le défrichement de cette terre produirait environ 500 milliards de tonnes de CO2, soit presque autant que les émissions cumulées totales de CO2 du monde jusqu’à présent. Et le bétail nécessaire pour fertiliser cette terre produirait beaucoup plus de gaz à effet de serre, sous forme de méthane, que toute l’agriculture aujourd’hui, peut-être assez pour égaler tous les gaz à effet de serre humains émis de toutes les sources aujourd’hui. Ce n’est pas un chemin viable.

21 commentaires sur “Et si l’agriculture bio menaçait la planète ?

  1. Heureusement les terres cultivées en bio ne représentent que 1 ou 2 % sur la planète, dont une grosse partie est des prairies et est située dans des zones sèches peu productives ( Australie..).Pour l’europe de l’ouest c’est bien pire car le rendement du blé conventionnel est 3 fois supérieur à celui du bio . En faisant le même calcul sur la France on aboutirait au fait qu’il faudrait plus que doubler la surface cultivée pour produire la même chose, ce qui revient à raser 100 % de la forêt et cela ne permettrait pas de mettre assez de fumier donc la fertilité déclinerait encore. C’est donc impossible.
    L’article indique que l’avantage du bio est d’éviter les pertes d’azote: ceci est discutable car il est possible en conventionnel de ne pas sur doser l’azote minéral .L’article indique qu’il faut bénéficier des avantages des deux systèmes ( rendement du conventionnel avec réduction pesticides et azote): ceci est naif car c’est impossible:il faut faire un choix! et le choix de bon sens s’impose de lui même. Le bio peut se maintenir à 1 ou 2 % de part de marché mais il ne peut lutter contre le  » conventionnel « moderne et les écarts seront de plus en plus grands même si le bio finit par obligation à accepter l’azote minéral.

  2. Il faut arrêter de fantasmer sur la fertilisation par le fumier et ses dérivés.

    Le bio ne fait que prendre de la fertilité (des éléments fertilisants) en un point A, sous forme de fumier, pour la mettre au point B.

    En outre, le bio intensif que nous connaissons chez nous se sert d’engrais organiques qui sont issus de l’agriculture conventionnelle. Ce sont des engrais de synthèse pour l’azote et des engrais traités chimiquement pour certains phosphores et potasse « blanchis » par le conventionnel en « organique » et donc « bio ».

  3. Ce rapport est intéressant mais éclaire surtout le passé lorsqu’il mentionne « Elles ont par contre tendance à utiliser moins d’énergie (-15% en moyenne)  » .
    Le calcul a déjà été fait en France et c’est – 15% par unité de surface en faveur du bio mais si l’on calcule par volume de grain produit, l’agriculture bio est plus consommatrice d’énergie, du fait de la mécanisation plus importante, pour labourer, pour épandre du fumier ou des amendements.
    Le problème du conventionnel ne tient qu’ à l’origine de l’azote minérale, procédé Haber Bosch qui s’appuie sur le méthane mais bientôt rapidement remplacé par la voie du « green ammonia », développée par Siemens en Europe: https://www.siemens.co.uk/en/insights/potential-of-green-ammonia-as-fertiliser-and-electricity-storage.htm
    Le silence actuel traduit une activité intense pour la fin des tests et le déploiement de cet outil qui rendra la production d’azote minéral indépendante de la ressource fossile .
    Loin de calmer le jeu actuel, ce nouvel atout de l’agriculture et la possibilité d’améliorer l’empreinte carbone de l’agriculture conventionnelle rendra la production de biomasse plus stratégique qu’elle ne l’est actuellement, rompant avec la logique d’une production qui transformerait la biomasse fossile ( pétrole et méthane) en biomasse vive.
    Les mercenaires des ONG seront donc plus nombreux et plus féroces dans leurs attaques vis à vis de l’agriculture conventionnelle, immense tas d’or qui trône au milieu de nos territoires (presqu’indécent aux yeux des investisseurs internationaux) et ne peut qu’aiguiser l’appétit de ces prédateurs de tous poils.

    1. J’avoue ne pas être au courant de ce nouveau procédé de fabrication de l’azote.
      Admettons que le procédé de fabrication puisse permettre de remplacer l’N de synthèse.
      Mais quel en sera le coût ?
      En as t-on une idée ?

  4. @ Bebop 76,

    Ce nouveau procédé, travaillé depuis de nombreuses années et s’appuyant sur l’électricité, ici éolienne mais notre filière nucléaire fait la même chose à partir de l’électricité électronucléaire consiste à pratiquer l’hydrolyse de l’eau, d’obtenir un flux de protons ( H+) pour fixer l’azote de l’air sous forme d’ammoniac. C’est en fait une copie du procédé classique Haber qui a plus d’un siècle d’âge mais en remplaçant par un flux de H+ issu de l’eau ( après électrolyse), l’extraction des H2 du méthane, qui alors rejetait du CO2, d’où la production d’azote minéral très énergivore et en sus avec une énergie fossile importée.
    A la fin du XIXème siècle les norvégiens riches en hydroélectricité avaient développé le processus Birkeland–Eyde avec des arcs électriques aboutissant à du dioxyde d’azote puis de l’acide nitrique, voie de synthèse bien moins performante que le procédé Haber qui avait marginalisé le procédé norvégien.
    Pour un procédé à partir de l’électrolyse de l’eau il fallait des procédés d’électrolyse qui ne dégradent pas le transfert énergétique, c’est chose faite avec une conservation qui dépasserait 90% en laboratoire mais 80% en conditions pratiques, ce qui est considérable.
    http://www.cea.fr/presse/Pages/actualites-communiques/energies/Production-H2-electrolyse-rendement-90.aspx ,
    https://www.siemens.co.uk/en/insights/potential-of-green-ammonia-as-fertiliser-and-electricity-storage.htm
    Il est clair que l’éolien est plus sympathique que le nucléaire pour produire du green ammonia.
    Les chimistes qui bloguent sur le site confirmeront l’information notamment relayée par la presse économique anglosaxonne mais avec la mesure qui sied à une évolution radicale.
    On n’a droit à une campagne d’information que sur ce qui sera un bide commercial ou technologique genre better place, histoire d’attraper le gogo investisseur.

    1. Merci pour ces infos intéressantes,
      mais vous n’avez pas répondu à ma question :
      quel est le coût de ce procédé à l’unité d’azote produite.
      Est-ce, sera-ce compétitif ?

      1. A mon humble avis, mais ce n’est pas à moi que l’on pose la question, cela ne peut être compétitif que si et seulement si on part de l’énergie nucléaire. Pour encore au moins 50 ans les énergies intermittentes ne peuvent être compétitives.
        On ne peut  » en même temps  » ( pour reprendre une expression à la mode) être pour des méthodes alternatives aux énergies fossiles et être antinucléaire : à ce stade la position US ( Trump) est beaucoup plus intelligente et pragmatique. Les Européens , dans leurs délires suicidaires, ne savent plus quoi inventer pour accélérer leur chute.
        Pendant ce temps, les Chinois ont eux aussi bien compris les enjeux .

      2. « Est-ce, sera-ce compétitif ? »

        @Bebop 76
        Il y a le mot « green » devant le procédé. Donc la réponse est NON.

    2. Il y a une petite usine dans les Andes (Bolivie de mémoire) qui fabrique de l’engrais azoté directement grâce à l’électricité d’une station hydraulique par ce procédé et ce depuis presque 1 siècle. On fabrique de l’engrais à partir de l’air, ça ne coûte rien en matière première ! Et puis si c’est pas du « produit localement », ça ?!

      1. C’est donc avec le processus Birkeland–Eyde si cela à plus d’un siècle. Trop couteux en énergie désormais.
        Le procédé Siemens mais Siemens n’est pas seul sur le coup au plan mondial, seulement le plus avancé en Europe est une adaptation du procédé Haber Bosch avec une nouvelle source d’hydrogène.
        C’est directement lié à l’amélioration de l »efficacité énergétique de l’hydrolyse de l’eau et quelques ajustement connexes.
        On peut faire la même chose avec le nucléaire qu’avec l’éolien mais le nucléaire en période troublée par le terrorisme devient nettement moins sexy, c’est une énergie pour pays totalement stable et pacifié, plus le cas de la France de 2017 et moins encore celle de 2025.
        Le Green signifie que cela ne vient ni du pétrole, ni du gaz mais d »une énergie renouvelable et dans tous les cas décarbonée.

        1. « C’est directement lié à l’amélioration de l »efficacité énergétique de l’hydrolyse de l’eau et quelques ajustement connexes. »

          « L’amélioration de l’efficacité » blablabla permet d’obtenir de l’hydrogène « vert » 3x plus cher que l’hydrogène obtenu à partir du gaz ou du charbon au lieu de 3,1x. Ca nous fait une belle jambe.
          Quand il y a des annonces tonitruantes avec les mots clés comme « renouvelable, durable, verts, CO2-free », on peut être sûr qu’elle ne raconte la moitié de l’histoire, celle qui arrange les enverdeurs.

        2. Énergie renouvelable : ça n’existe pas !!
          Vous avez fait quoi pdt vos cours de physique.

    1. Du bio en extension à condition que la population consomme moins de viande et de produits laitiers. Mais les cultures bio sont fertilisées majoritairement avec des fumures issues de l’élevage bovin. Il y a quelque chose qui cloche là-dedans. Vous ne croyez pas ?

      1. Macron fixe l’objectif stupide de 50 % de bio dans les cantines. Si il n’est pas capable de comprendre en quoi cet objectif n’a pas de sens il ne faut pas attendre qu’il résolve des choses plus complexes ( dette, chômage, nucléaire,islamisation etc..) . Il n’est que dans la comm mais n’a aucun courage malgré ses petites phrases pas très politiquement correctes mais justes qu’il sait glisser pour entretenir l’idée qu’il en a!

        1.  » 50 % de bio dans les cantines »
          ils doivent bien aimer le 50% là haut.
          Déjà qu’un des objectifs de la transitude énergétique est d’arriver à 50 % d’électricité d’origine nucléaire, chiffre qui sort comme ça, pouf, sans réelle réflexion.

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