« Non, la terre n’est pas bonne mère »

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André Comte-Sponville vient de signer dans le dernier numéro de Challenges une excellente tribune en réponse à l’angélisme écologiste. Le philosophe a en effet participé à l’Université de la Terre organisée au début du mois à l’Unesco (Paris) par la Fondation Nature et Découvertes. Il y a notamment entendu Pierre Rabhi parler de « la Terre-Mère » en expliquant que cette appellation n’est pas une métaphore mais une vérité objective.
Quelle fut alors la pensée d’André Comte-Sponville en entendant ces mots dans la bouche d’un des « prohètes des l’agroécologie et de la décroissance » ?
« La catastrophe nucléaire de Fukushima apporte de l’eau au moulin des écologistes. Tant mieux, si cela permet d’approfondir le débat sur notre politique énergétique. Reste à ne pas oublier la double catastrophe naturelle (le tremblement de terre, le tsunami) qui fit beaucoup plus de morts, en tout cas pour l’instant, et sans laquelle l’autre catastrophe n’aurait pas eu lieu. Qu’une centre nucléaire puisse être dangereuse, nul ne peut l’ignorer. Mais que la nature soit bonne, qui peut encore y croire ?« 
Revenons à la « Terre-Mère » si chère à Pierre Rabhi. Pour André Comte-Sponville, « la maternité, au sens strict, ne peut exister qu’à l’intérieur d’une même espèce : la mère d’un poulain est forcément une jumen, la mère d’un humain forcément une femme. Or, c’est ce que la Terre ne surait être. Qu’en conclure, sinon que l’expression « Terre-Mère » n’est pas à prendre au pied de la lettre, bref qu’elle constitue, exactement, une métaphore ? »
Le philosophe s’est alors demandé si cette métaphore était juste. « Si la terre était vraiment nourricière, aurions-nous eu besoin d’inventer l’agriculture ? Si elle nous aimait, si elle nous protégeait, nous éduquait, comme fait une mère digne de ce nom, aurions-nous eu besoin d’inventer la civilisation, les sciences, le progrès ? »
Conséquence pour André Comte-Sponville : « c’est le danger d’une certaine écologie radicale : à force de célébrer la nature et d’accabler nos sociétés techniciennes et marchandes, on laisse entendre que c’était mieux avant, que le progrès n’est qu’un leurre, que l’humanité fait fausse route depuis deux siècles (la révolution industrielle), voire depuis dix mille ans (la révolution néolithique). Quoi de plus réactionaire ? Et quoi de plus décourageant pour nos jeunes gens ? C’est laisser entendre qu’on s’est battu, depuis des siècles, pour rien. J’y vois un espèce d’utopie inversée. Là où Marx voulait nous convaincre que nous n’étions pas encore sortis de la préhistoire, que l’histoire ne commencerait vraiment qu’avec le communisme, les plus radicaux de nos écologistes veulent nous convaincre que l’histoire est une erreur, que c’est la préhistoire qui avait raison et que nous avons eu tort d’en sortir. »
Reste le mot de conclusion d’André Comte-Sponville qui se passe de commentaires : « Sauver la planète ? C’est devenu une tâche urgente, et la seule façon de sauver l’humanité. Mais nous aurons besoin pour cela de davantage de science, de davantage de technique, de davantage de progrès, et non de je ne sais quelle nostalgie d’une nature prétendument maternelle, qui déclenche aveuglément les tremblements de terre et les tsunamis. »

15 commentaires sur “« Non, la terre n’est pas bonne mère »

  1. « La catastrophe nucléaire de Fukushima apporte de l’eau au moulin des écologistes »

    Faut quand même que ce type nous explique le terme de catastrophe, parce que aujourd’hui la centrale de Fukushima I a fait le nombre effroyable de 0 morts et peu de dégats en dehors de la centrale. Un carnage a coté des 30000morts d’un tsunami

    Qu’une centre nucléaire puisse être dangereuse, nul ne peut l’ignorer »
    Grâce à la peur ambiente, les centrales nucléaires sont les plus sûres, bien plus que les centrales au charbon, gaz et autres.

    « Sauver la planète ? C’est devenu une tâche urgente, et la seule façon de sauver l’humanité »

    Croit-il vraiment que l’Homme a été capable en 100 ans de bousiller la planète, qu’elle est en danger ?!
    Encore de l’antropomorphisme !

    En fait, les philosophes, en 10 000 ans d’Histoire n’ont fait qu’expliquer le monde qu’à coup d’histoires à l’eau de rose et autres machins celestes; la Science, en 100 ans, arrive à décortiquer le cœur du Vivant et de l’atome.

  2. Il n’est jamais bon de vouloir lire l’histoire à la lumière d’une idéologie, même écologiste.
    Mais pour autant la re-légitimation du culte de la terre-mère passe par la compréhension à grande échelle temporelle du cheminement de l’imaginaire humain.

    En bon matérialise (pragmatique) il n’est pas contradictoire de se rappeler que les idéologies résultent des conditions de vie matérielles.
    Selon Jacques Cauvin, « Naissance des divinités, naissance de l’agriculture », Flammarion:
    Le patriarcat est un effet de l’agriculture. C’est parce que l’agriculture crée une richesse qui peut être volée que cela a favorisé les bandes de pillards puis la militarisation de la société avec la constitution d’un Etat. Cette domination des guerriers jointe à la pratique de l’élevage et de la sélection a produit le patriarcat.

    « Les grottes ornées des âges glaciaires indiquent une religiosité « horizontale » où les hommes participent à un spectacle de la reproduction. Le Néolithique est basé sur l’utilisation du sacrifice et l’invention de la prière dans une religiosité « verticale », organisée autour d’un couple de dieux souverains, une Déesse-Mère et un Taureau-Fils. »
    http://developpementdurable.revues.org/1322

    Donc ce n’était effectivement pas « la belle verte » (film vraiment chouette, comme toute l’œuvre de Coline Serreau) 🙂

    En mettant en évidence les évolutions passée dans les mythologies on peut s’attaquer à des idées fausses et pourtant répandues (des superstitions).
    Le standard est de penser que le christianisme est une amélioration de la condition de la femme.
    On ne sait presque rien de la condition de la femme avant l’écriture mais on peut se douter qu’elle n’était pas plus mauvaise si le féminin était sacré.
    Cette vaste ignorance de nos racines culturelle est en première analyse bien innocente: tout le monde ne peut pas être spécialiste de la préhistoire. Mais Françoise Gange met en évidence que la mythologie à ces époques là était complètement politique. Les récits mythologiques sont des adaptations aux intérêts des puissants.
    Voyez le stéréotype humoristique de l’homme des caverne: il traine sa femme par les cheveux.
    Mais cette représentation inversée du réel est-elle tout à fait innocente?

    En conclusion, l’oubli et la négation du culte de la terre-mère ne résulte pas uniquement des luttes idéologiques.

    1. Un très grand merci !

      Vous avez sans doute aussi le lien vers Bastamag sous la main…

    2. Long mais excellent billet sur l’agroécologie qui n’est rien que le nouveau bio. Sans nouveau mot pas de nouvelles tendances et donc pas de pompe à fric.

      Le recours au bénévolat est courant dans ce genre de «ferme» alternative qui ne vit jamais de l’agriculture mais bien souvent d’agro-tourisme et de vente de produits dérivés absolument pas produits sur place.

      Et dire que ces gus viennent ensuite donner des leçons d’agronomie à l’ONU via les rapports moralisateurs de De Schutter. Mec qui à un ph. D et qui croit révolutionner l’agriculture avec une invention sémantique déconnectée du monde réel. Sauf qu’il faudrait dire à ce juriste de haut vol que les lois humaines se laissent bien plus facilement violer que celle de la physique (C’est pas de moi mais ça vient d’une conclusion de Jancovici dans une de ses conf’).

      1. * je voulais dire «pH D en droit»

        C’est fou comme dans votre entrevue on lit «ça ne marche pas». Normalement une ferme maraîchère qui «ne marche pas», donc ne produit que peu de légumes, met rapidement les clés sous la porte. Et dire qu’on veut vendre ce modèle d’échec cultural pour mettre un terme à la faim dans le monde. J’espère pour eux qu’ils ne partent pas monter des projets à l’étranger, ça pourrait faire mourir – de rire – les paysans locaux 😉

      2. Bob : « Sauf qu’il faudrait dire à ce juriste de haut vol que les lois humaines se laissent bien plus facilement violer que celle de la physique (C’est pas de moi mais ça vient d’une conclusion de Jancovici dans une de ses conf’). »
        ——————————–
        Jancovici est un charlatan néo-malthusien qui « remplit son frigo » avec du catastrophisme et du réchauffisme. Vous devriez changer de source.

        1. Peut être, mais si tu cherche des évaluations chiffrés contre les éoliennes ou les panneaux solaires, c’est une très bonne source.

        2. Pour avoir vu son cours et quelques conf’ sur internet je le trouve très convaincant pour un charlo.
          Je ne me rappel pas l’avoir entendu proposer des trucs à la Dumont ou Cousteau. Je le trouve assez lucide sur la question énergétique et le lien qu’il fait entre PIB et énergie fossile.

          Qu’avez vous à me proposer comme source non malthusienne et non catastrophisme sur le sujet ?

  3. Merci pour le lien Yann Kindo. Excellent reportage, très détaillé par ailleurs, sur la folie des écolos extrémistes. A ce tel niveau de folie, je pense que l’on peut parler de maladie mentale. C’est absolument dingue. Le passage sur la biodynamie est juste incroyable. Incroyable qu’au 21ème siècle, en France, ce genre de connerie puisse exister.
    Je vais faire partager ce lien à mes proches.

  4. Excellent reportage de l’AFIS-Ardèche, merci à Yann Kindo!
    Effarant que cette « ferme expérimentale » soit érigée en exemple: « un laboratoire des techniques de l’agrobiologie » et touche des aides publiques!!!
    Et pour son côté désopilant les guides ne sont pas sans rappeler les célèbres Bouvard & Pécuchet… en moins drôle.
    C’est Rabhi qui lançait dans le film de Serreau « Maintenant à table on ne se souhaite plus bon appétit mais bonne chance », bonne chance pour se nourrir à satiété! La sobriété heureuse avec des vraies maladies et petits ravageurs dedans! 😆

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