« Avant que nature meure »

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Premier ouvrage de notre bibliothèque virtuelle :

Avant que nature meure, pour une écologie politique, Jean Dorst, 1965.

Jean Dorst, professeur au Muséum d’histoire naturel de Paris, était aussi vice-président de la Commission de sauvegarde de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’association sœur du WWF. D’ailleurs, c’est le WWF qui a publié cet ouvrage, avec une préface du prince Bernhard des Pays-Bas, président du WWF à cette époque. L’objectif du prince Bernhard est que ce livre « trouve le chemin non pas seulement dans les institutions scientifiques des savants, mais aussi bien sur les bureaux des autorités compétentes ». Il s’agit donc de la première action de lobbying d’envergure auprès des responsables politiques au sujet de la protection de l’environnement, avec la volonté d’afficher un constat scientifique sérieux, détaché de considérations idéologiques.

Il s’agit d’un ouvrage volumineux, de plus de 500 pages, et divisé en deux parties : « hier » et « aujourd’hui ». Il veut, dans un premier temps, montrer que le problème de l’impact de l’homme sur la nature ne remonte pas à la société industrielle : « Les exemples pourraient être multipliés, tous montrant que la destruction des habitats naturels a commencé dès l’apparition de l’homme sur la terre. » Pour lui, l’équilibre biologique naturel entre l’homme et la nature a disparu « en tout cas dès que le chasseur se transforma en pasteur et surtout en agriculteur ». Il admet que, dans certaines régions, l’équilibre était plus ou moins maintenu avec « l’homme “sauvage” », mais seulement « jusqu’à ce que le Blanc envahisse le monde ». Dans un chapitre intitulé « L’homme contre la nature », il passe en revue, continent par continent, une série d’exemples de ravages causés par l’activité humaine durant l’ère pré-industrielle, détaillant érosion des sols, disparitions d’espèces animales, etc. Cette première partie se conclut avec un chapitre plus encourageant sur les efforts de l’homme pour protéger la nature, constatant que « la protection de la nature a fait des progrès considérables ». Il décrit entre autres la création de parcs nationaux et de réserves naturelles, ainsi que le travail d’associations comme le WWF ou l’IUCN.

Cependant, il considère que les choses ont considérablement changé aujourd’hui. Il explique en effet que « l’homme n’a eu pendant longtemps qu’une influence limitée en raison de la faible densité de ses populations (…) et à la modicité des moyens techniques à sa disposition ». Il affirme ainsi que « le premier problème auquel l’humanité d’aujourd’hui doit faire face est sans aucun doute la surpopulation actuelle ». Et si l’on ne fait rien, « l’humanité mourra comme les populations de rats qui ont dépassé la capacité-limite de leur habitat ». Il s’inquiète des effets de cette croissance démographique sur les ressources et la biosphère, mais aussi sur la possible… dégénérescence de l’espèce humaine. Avec certains relents eugénistes, il constate que l’humanité « a réussi à se débarrasser de la plupart des freins à sa prolifération (…) au risque, non négligeable d’ailleurs, de multiplier les maladies héréditaires, autrefois éliminées en plus grande proportion par la sélection naturelle ». Il précise même que « certains ont cru déceler ces signes de dégénérescence dans l’espèce humaine, et ne sont pas éloignés de penser qu’ils sont consécutifs à une prolifération excessive accompagnée d’une absence totale de sélection ». Il aborde aussi, de façon extensive, toutes les pollutions engendrées par la société industrielle, des pesticides à la surpêche, en passant par la pollution atmosphérique et la pollution biologique. Il n’oublie pas non plus les problèmes posés par les transplantations d’animaux ou de plantes dans d’autres habitats que ceux d’origine. Ses solutions sont, d’une part, pour freiner la croissance démographique, un meilleur contrôle des naissances, et d’autre part, pour lutter contre les déprédations causées par l’homme, un aménagement rationnel de la Terre, avec des zones totalement protégée, d’autres totalement aménagées, et, enfin, des zones mixtes. Pour lui, « c’est une révision complète de nos conceptions que nous devons entreprendre sans tarder. (…) Nous avons à renoncer à toute initiative ne visant qu’à l’augmentation de la production et du profit. » Il conclut son livre en se demandant si l’homme ne s’est pas trompé et si notre civilisation ne serait pas une impasse. Il écrit : « Si la civilisation technique moderne était une erreur, une nouvelle civilisation pourrait renaître à partir de ce qui aura été conservé de la nature primitive. »

Un commentaire sur “« Avant que nature meure »

  1. Tout n’est pas à jeter dans ces positions qui posent de vrais problèmes, ne limitent pas à l’ère industrielle les dégâts sur la Nature originelle et mettent à bas le discours puéril d’un Homme en harmonie qui se serait mué en monstre destructeur à partir du l’invention de la machine à vapeur.

    Pour le propos décrivant l’ agriculteur plus dommageable que le pasteur, beaucoup à dire , les deux n’ont pas besoins des mêmes espaces, l’agriculteur, par les murettes qu’il a construites, avec patience, au fil des générations, les arbres qu’il a plantés, a modelé les paysages méditerranéen de Provence, de Toscane, qui ravit l’oeil et le pinceau des peintres. L’oeuvre de Giono, écologiste avant l’heure mais écologiste humaniste est remplie de ces descriptions de la nature avec et oeuvre de l’Homme. Le pasteur historique à créé des deserts minéraux que l’on appelle aussi « Nature » désormais, en mettant le feu à la végétation jusqu’à la faire disparaitre presque totalement pour faire paitre ses moutons.

    La division en 3 espaces est en revanche séduisante et correspond peu ou prou à ce qui se dessine actellement dans les pays développés et tout particulièrement aux USA .

    Et les villes dans tout cela, qui abritent principalement les bobo verts qui pour la plupart ne sauraient vivre ailleurs, comment les considérer? certainement le véritable cancer qui ronge l’espace et la nature avec un béton ou un bitume qui rend le sol indéfiniment stérile

    Au fait, la pensée occidentale n’est plus seule à imaginer le destin du monde, à supposer qu’elle l’ait un jour été: qu’en pensent les chinois, qu’en pensent les indiens? les autres civilisations qui rêvent d’exister à nouveau au premier plan?

    A supposer que nous choisissions cette voie, quelles chances avons nous d’être suivis ? si non, quelles conséquences?

    Beaucoup de chose à dire sur l’eugénisme avec la thérapie génique comme réponse possible à cette vraie interrogation et source d’interrogations qui en retour.

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